Compte rendu de l'atelier sur la fiscalité des coopératives agricoles les 14 et 15 novembre 2022 à Ouagadougou
- 17/11/2022
- Cercle OHADA du Burkina
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- 🇧🇫 Burkina-Faso
Compte rendu de l'atelier sur la fiscalité des coopératives agricoles en lien avec l'AUSCOOP de l'OHADA : plaidoyer pour une justice fiscale des sociétés coopératives dans l'espace OHADA tenu à Ouagadougou les 14 et 15 novembre 2022 à l'initiative de la Confédération paysanne du Faso.
L'Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives (AUSCOOP) de l'OHADA n'a pas prévu de règles applicables à la fiscalité. Cela peut s'expliquer par le fait qu'il s'agit de questions de souveraineté difficiles à transcrire dans le cadre d'une législation communautaire. Dans ce sillage, il revient chaque Etat partie d'introduire, en droit national, les dispositions nécessaires de droit fiscal pour accompagner la mise en œuvre de l'AUSCOOP. Comme toute forme juridique de société, la société coopérative est supposée payer des impôts. Alors que l'AUSCOOP ne précise pas le régime fiscal des coopératives, les lois nationales ne semblent pas assez précises sur une telle question. À l'analyse, l'on a l'impression qu'en l'absence d'un régime fiscal clair et précis pour les coopératives ces dernières ne peuvent se développer harmonieusement. C'est pourquoi la Confédération paysanne du Faso (CPF), en collaboration avec l'association « Agriculteurs français et développement international » (AFDI), a organisé les 14 et 15 novembre 2022, à Ouagadougou, un atelier de réflexion sur la fiscalité des coopératives agricoles dans l'espace l'OHADA et particulièrement au Burkina. L'objectif final était de produire une note argumentaire pour mener un plaidoyer auprès des décideurs politiques en faveur de la mise en place d'une fiscalité adaptée aux coopératives agricoles. Cet atelier a été l'occasion pour Cercle OHADA du Burkina de faire aux participants la genèse de l'OHADA et de leur présenter les principaux aspects de l'AUSCOOP ayant une incidence fiscale. De cette présentation, il est ressorti que diverses dispositions de l'AUSCOOP peuvent entraîner des conséquences fiscales dans le fonctionnement des coopératives. Il s'agit notamment de :
- Incidence de la forme civile ou commerciale de la société coopérative (art. 4 et 21 de l'AUSCOOP) : dans sa définition, la société coopérative peut être de forme civile ou commerciale, c'est ce qui détermine son objet. Du point de vue fiscal, lorsque la coopérative est de forme civile, l'Impôt sur le bénéfice ne s'applique pas. Dans le cas où la forme est commerciale, le régime de droit commun en matière des bénéfices s'applique.
- Immatriculation administrative et fiscale (art. 78 de l'AUSCOOP) : la procédure d'immatriculation au registre des sociétés coopératives ne se limite pas à l'autorité en charge du registre des sociétés coopératives. Elle engage également d'autres administrations, notamment la direction générale des Impôts (attribution du numéro de compte contribuable IFU).
- Incidence des activités avec les usagers non-membres (art. 4 de l'AUSCOOP : la question des relations de la coopérative avec des usagers non-membres est fondamentale. Le fait que le niveau d'activité de la coopérative avec les non-membres ne soit pas plafonné dans l'AUSCOOP, est susceptible d'entraîner la coopérative vers un fonctionnement comparable à celui d'une société commerciale. Par conséquent, l'Impôt sur le bénéfice (BIC) s'appliquera sur la marge des activités avec les non-membres lorsque cela dépasse 50 % de l'activité totale. Bien plus, le résultat positif de cette activité ne compte pas pour le calcul des excédents disponibles. D'où la proposition de reverser un tel résultat dans les réserves.
- Patente en cas d'établissements secondaires (art. 82 et 83 de l'AUSCOOP) : l'ouverture de succursales implique des dispositions fiscales à observer au regard de la patente. Toutefois, les locaux annexes au siège de l'établissement principal sont affranchis de la contribution au titre des patentes dans la localité où elles sont situées, selon la règle du principal et de l'accessoire, à condition que leurs activités soient les mêmes que celles de l'établissement principal.
- Taxe spéciale d'équipement et réserve légale (art. 114 de l'AUSCOOP) : l'AUSCOOP prévoit la constitution d'une réserve légale prélevée sur les excédents nets d'exploitation. L'incidence fiscale de cette disposition se traduit par l'exonération de l'Impôt sur le bénéfice mais, par la même occasion, par la prise en compte de la marge coopérative pour l'imposition de la Taxe spéciale d'équipement (TSE).
- Les ristournes (art. 112 de l'AUSCOOP) : la société coopérative peut verser des ristournes à ses membres proportionnellement au travail effectué. Dans ce cas, le coopérateur peut être soumis à l'Impôt général sur le revenu, ou à l'Impôt sur les salaires.
Il faut rappeler que le régime fiscal des sociétés coopératives n'est ni prédéfini, ni automatique. Dans la pratique des Etats parties, les sociétés coopératives sont imposées ou exonérées selon le caractère civil ou commercial des activités menées. Dans l'entendement collectif, dans certains États parties, il est communément admis que les coopératives ne sont pas soumises à la fiscalité. Il s'agit d'une assertion très discutable, car même si elles peuvent bénéficier de certaines exemptions, celles-ci ne doivent pas être perçues comme des faveurs mais comme des conséquences de leur logique de fonctionnement. D'où l'organisation du présent atelier de réflexion en vue de renforcer le niveau de compréhension des organisations paysannes en matière de fiscalité des coopératives agricoles au Burkina Faso. Selon le président du Conseil d'Administration de la Confédération paysanne du Faso (CPF), monsieur Bassiaka Dao, l'objectif à terme est de mener un plaidoyer pour la suppression ou l'allégement de certaines taxes et prélèvements au profit des coopératives agricoles au Burkina Faso et pourquoi pas dans les autres pays de l'espace OHADA.
Madame Anne Souharse l'une des représentantes de « Agriculteurs français et développement international » (AFDI), elle s'est réjouie de la tenue de cet important atelier au regard de la pertinence du sujet qui va avoir une portée dans l'ensemble des pays membres de l'OHADA. « Vous êtes un peu les pionniers en termes d'organisation paysanne à dire qu'il y a un sujet de fiscalité qui n'est pas vraiment traité dans l'OHADA, mais que nous voulons traiter dans notre pays. Je suis sûre que cela va faire des émules avec d'autres organisations paysannes dans l'espace OHADA. C'est un sujet qui est complexe et qu'il est possible d'appréhender dans sa globalité. Mais, il faut se creuser la tête, parce que c'est un sujet sur lequel on a besoin d'expertise »., a-t-elle déclaré en substance dans son intervention. Pour son collègue monsieur Francis Lamisse, ancien délégué général du Haut conseil de la Coopération agricole (HCCA) « la fiscalité peut mettre en difficulté un certain nombre de coopératives, elle peut aussi être dissuasive quant à l'organisation en coopérative alors que dans la dynamique de l'agriculture d'un pays, la formule ”coopérative“ est l'un des éléments importants pour faire progresser l'ensemble du monde agricole ».
Au total, les participants ont reconnu comme indiqué plus haut, que le cadre fiscal des coopératives est problématique, car il manque de clarté et d'objectivité. Les règles fiscales étant contenues dans le Code général des impôts (CGI) de chaque Etat-partie, sans lien avec l'AUSCOOP ou les lois sectorielles (lois régissant le secteur d'activité des coopératives), il arrive donc que l'administration fiscale impose les coopératives plus qu'il ne fallait. Des mesures doivent être prises dans les Etats parties pour une « justice fiscale » des coopératives agricoles dans l'espace OHADA.
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23/09/2024 130146 MELISSA OTCHOA
très bonne synthèse; claire. Mais quelles sont les décisions qui ont été envisagées?