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Droit OHADA : La dernière ligne pour briller

Le Tchad abritera pour la première fois, du 13 au 17 septembre, la phase finale du prestigieux « concours international génies en herbe », pour les aspirants au droit des affaires. Mais le droit OHADA (Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires) reste un mystère pour le grand public tchadien.

« Qui va loin ménage sa monture », dit un adage populaire. C'est ainsi qu'au terme de la dernière épreuve orale, qui a eu lieu le 20 janvier 2021, le jury a porté son choix par ordre de mérite, sur Mbaïhondoum Guelbé Alexis de l'Université de N'Djaména, Djikoloum Nédeou Fabrice de l'Université catholique d'Afrique centrale de Yaoundé et Adam Tidjani Saboun de l'Université de N'Djaména. Les trois candidats ont été présentés la semaine dernière aux tchadiens comme les porte-flambeaux du pays à cet évènement. La délibération, à 8 mois de la compétition, a pour but de permettre aux candidats de se préparer minutieusement car la compétition sera rude.

Manque de moyens et d'implication des autorités

La sélection des candidats, lancée en octobre 2020 a rencontré des difficultés du fait que le droit OHADA n'est pas vulgarisé au Tchad, mais aussi par manque d'implication des autorités et des moyens. Ce qui n'a pas favorisé la multiplication des candidatures nationales aux concours. « La richesse de ce concours devrait relever de la compétence et des responsabilités du ministère de l'Enseignement supérieur, malheureusement, nôtre contexte ne permet pas un accompagnement de l'Etat, afin de faire connaître l'utilité de cet outil », regrette le project manager (représentant du comité international du concours), Djimbaye Narcisse.

Sous d'autres cieux, l'Etat délègue aux universités la responsabilité de présenter les meilleurs candidats nationaux. C'est à l'issue du concours national entre universités qu'il est retenu celle qui représentera le pays à international. En clair, la phase de présélection doit être une compétition interuniversitaire. Or, c'est le contraire qui se produit chez nous en pônant un recrutement individuel, renseigne le coordonnateur national du concours OHADA, Mbaïrakula Néhémie Luther. « Au Tchad, on est obligé de prendre des étudiants de manière unilatérale parce que les structures universitaires n'ont pas encore des points focaux relatifs au droit OHADA. Après l'ouverture de la candidature par un comité, un jury retient les candidats des différentes universités qui se sont manifestés. Puis, le concours est organisé uniquement dans la capitale ».

Une matière non vulgarisée dans nos écoles

La cause de ces difficultés est le manque de structure ou moyen d'action pour la promotion et la vulgarisation dans nos universités. Sur le plan de l'éducation, l'apprentissage de ce droit n'est pas suffisamment connu, parce que les curricula d'enseignement supérieur n'intègrent pas la matière. Ce que déplore le directeur du Centre d'animation du droit OHADA au Tchad (CADOT), Ndoloum Casimir. « Ailleurs, le droit OHADA est dispensé dès la première année universitaire, ce qui permet son appropriation à la base. Ce qui n'est pas le cas chez nous où on dispense une notion de cet outil à partir de la deuxième année. Ceux qui embrassent le droit privé continuent jusqu'à la 4ème année pour s'en imprégner véritablement ». Le directeur du CADOT d'ajouter « après avoir obtenu un diplôme, il y a un problème réel de documentation bien élaboré au Tchad. Ce qui fait qu'il y a seulement des théoriciens et non des compétences spécialisées en matière des droits OHADA ».

Pour Mbaïrakula Néhémie, c'est un handicap de ne pas enseigner dans nos universités parce que le futur de l'économie tchadienne est en jeu. « Dans nos universités, quand tu parles du droit OHADA, c'est un peu de la magie pourtant, c'est le droit moderne dont nos hommes d'affaires ont besoin pour booster l'économie. L'étudiant en droit qui est amené à prodiguer des conseils en termes économiques et juridiques aux hommes d'affaires de demain, est appelé à maîtriser cette matière. Mais nos étudiants au niveau de licence n'arrivent pas à bien appréhender cette matière et c'est un vrai handicap. Dans certains pays, le droit OHADA est enseigné même en classe de 2nde. Le Tchad est toujours en retard dans ce domaine-là. Certes, on enseigne au lycée technique commercial, mais l'on doute de sa pertinence. Les enseignements fournis dans nos lycées, instituts et universités n'ont pas la compétence requise », précise-t-il.

Un instrument méconnu du public

Malgré la ratification du traité relatif au droit OHADA par le Tchad en 1996, l'utilité de l'instrument juridique demeure méconnue de la population. Le droit OHADA a pour contenu le droit des affaires (qui englobe le droit commercial général, droit de sureté, droit de société, droit de l'arbitrage, droit de procédure collective, droit de médiation, droit comptable, droit du transport des marchandises par route, droit de société coopérative et droit de recouvrement). Selon les explications des responsables du CADOT, le Tchad est à la traîne en matière de vulgarisation des textes et de sa maîtrise, dont la tâche incombe aux structures en charge de la vulgarisation. Le directeur du centre, Ndoloum Casimir estime que « nous assistons à une réticence quant à l'appropriation de cet outil au Tchad, malgré l'avènement du club OHADA, du CADOT et des multiples activités qui en découlent et observés à travers un intérêt certain et attirance des acteurs judicaires, en dépit de la compétence des professionnels de ce domaine. On utilise ce droit par obligation juridique ou juridictionnelle, parce que le Tchad l'a ratifié. Un droit qui rattrape certaines réalités ».

Le droit OHADA est évolutif parce que chaque année, il y a des mises à jour à travers des recommandations. Les ministres de la Justice et des Finances participent régulièrement au conseil des ministres de l'OHADA et reviennent avec des recommandations, que l'Etat s'efforce d'adapter aux droits en vigueur qui règlementent l'économie. Quelques exemples d'innovations à l'instar de la création de l'Agence nationale des investissements et des exportations (Anie), celle du guichet unique et les tribunaux de commerce, sont autant d'émanations des droits de l'OHADA, explique Djimbaye Narcisse.

De ce fait, les structures comme la Chambre de commerce et le Patronat doivent outiller les commerçants, à travers des sensibilisations quant à l'existence d'un document destiné à les protéger et à sécuriser leurs activités. C'est la nouvelle bataille qu'engage le CADOT pour une vulgarisation au sein du secteur économique « Nous sommes en train d'envisager un partenariat avec les opérateurs et institutions économiques comme la Chambre de commerce, le Patronat, l'Anie, etc. afin de créer une interaction (s'informer, se former) afin qu'ils atteignent leurs objectifs en terme d'harmonisation des affaires », envisage Ndoloum Casimir.

Une chance pour briller

Pour une meilleure organisation, les responsables sollicitent l'implication des ministères concernés pour rayonner lors de cet évènement. « L'intervention des ministères ne devraient pas être d'un caractère présentiel, mais se manifester par l'action. Ce n'est pas le symbole que nous recherchons, puisque nous manquons de moyens financier, matériel et humain. Si l'Etat nous appuie, nous pourrons agir avec efficacité. Nous lançons aussi un appel aux avocats et autres personnes ressources du domaine, à s'impliquer pour représenter valablement le Tchad », plaide le coordonnateur national du concours OHADA, Néhémie Luther. Pour lui, il faut repenser la communication autour même du droit OHADA car le concours est une occasion pour rattraper les autres pays avancés dans la vulgarisation du droit. « Nous rappelons qu'il y a une commission de droit OHADA au Tchad. Cette commission doit plus s'investir dans le domaine de la vulgarisation puisqu'à ce stade, nous considérons qu'elle intervient dans un degré moindre et ce degré ne permet pas de toucher le public concernant ce droit. Les acteurs de vulgarisation du droit OHADA doivent se mettre en cause sur le plan de communication, des méthodes et approches au droit OHADA. C'est tous ces paramètres qu'il faut repenser pour un plan de vulgarisation acquis et un décollage vers les horizons meilleurs ».

Zoom sur le CADOT

Les résultats satisfaisants du Tchad lors de ses participations au concours sont en grande partie le travail réalisé par le Centre d'animation du droit OHADA au Tchad (CADOT). Logé au sein du ministère de la Justice et soutenu par l'ambassade de France au Tchad, l'institution abat un travail dans l'ombre. Pour résultat, le Tchad n'est jamais dernier dans cette compétition, selon les statistiques.

Le CADOT est créé en 2016 sur les cendres du club OHADA de l'Ecole nationale de formation judiciaire. Son objectif : promouvoir le droit OHADA dans le milieu universitaire et judiciaire au Tchad par le renforcement des capacités en mettant à la disposition des acteurs concernés, une documentation élaborée.

Pour la première participation des Sao en 2015, la délégation tchadienne a remporté le prix du meilleur plaideur et la 2ème meilleure équipe. En 2016, le Tchad a occupé le 3ème rang sur 8 pays et remporté le prix du meilleur mémoire. Par contre en 2017, le Tchad n'a pas participé au concours. En 2018, il est arrivé 5ème au terme du classement général. Lors de la dernière édition en 2019, les pénalités de retard ont réduit 30 points du Tchad, ce qui l'a maintenu à sa place. Ce sont ces résultats qui valent au Tchad d'organiser la première édition de ce concours en Afrique centrale sur son sol. En somme, une victoire en demi-teinte pour le centre.

Initialement prévu pour se tenir en septembre dernier, la 12ème édition a été reportée à cause de l'avènement de la Covid-19. C'est une compétition qui réunit 14 pays africains (exceptionnellement 17 pays cette année), parmi lesquels on estime détecter des génies en droit des affaires, aptes à se mesurer aux génies d'autres pays et en être des gagnants. Mais à quelques semaines de la tenue de l'évènement, le droit OHADA reste aux yeux des tchadiens un mystère.

Nadjindo Alex
Source : ndjamenahebdo.net

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