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Compte rendu de visio-debat sur le thème, « les pays de l'OHADA a l'ère de la révolution digitale : traitement et protection des données personnelles », le 23 septembre 2020

  • 14/12/2020
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Les organismes ou entreprises, dans le cadre de leurs activités professionnelles, collectent régulièrement des données qui, en majorité, sont qualifiées de « données à caractère personnel ».

Sur invitation du cabinet SIRE OHADA, M. Moumouni Krissiamba OUIMIGA, spécialiste du droit des données personnelles, ancien Directeur des affaires juridiques et du contentieux de la Commission de l'Informatique et des Libertés (CIL) du Burkina Faso a accepté d'animer une visioconférence le 23 septembre 2020, sur le thème  « Les pays de l'OHADA à l'ère de la révolution digitale : Traitement et protection des données personnelles ». Les travaux ont été conduits sous la modération de Madame Arlette BOCCOVI, Consultante Juriste - droit des affaires et droit bancaire, Gérante du Cabinet organisateur.

Dans son mot d'accueil, Madame BOCCOVI a d'abord souhaité la bienvenue aux participants aux profils professionnels variés, connectés depuis le Bénin, le Burkina Faso, le Sénégal, la Guinée, la Côte-d'Ivoire, le Mali, le Togo, le Gabon, le Tchad, la République Démocratique du Congo, la Belgique, la France et le Canada. Elle a ensuite remercié l'expert pour sa disponibilité.

Poursuivant, elle a déclaré pour introduire le sujet que l'accès à l'internet se démocratise et s'impose assez facilement sur le continent, dans tous les domaines et auprès de toutes les couches sociales.

Alors que l'Afrique est entrée de plein pied dans l'ère du digital depuis plusieurs années, la législation en la matière tarde à s'affirmer. Il est par ailleurs évident que l'évolution technologique devra aller de pair avec la protection des utilisateurs. C'est pourquoi au sein de l'Union européenne (UE) par exemple, la question des données personnelles est une priorité pour les États membres.

Au sein de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), les utilisateurs ainsi que les professionnels ont besoin de savoir comment et dans quelles conditions sont traitées les données qui les concernent personnellement. Les Groupes d'entreprises internationaux qui ont des filiales en Afrique ont besoin également de savoir avec précision quelles lois gouvernent les données personnelles qu'ils traitent au quotidien dans chaque pays.

C'est pourquoi, il semble important de débattre de ce sujet dont l'enjeu n'est désormais plus à démontrer, la crise sanitaire ayant définitivement imposé le numérique même aux plus réfractaires.

Pour la modératrice, le visio-débat a pour objectif général d'identifier clairement le cadre juridique dans lequel s'effectue le traitement et la protection des données personnelles.

Animateurs et participants ont ainsi échangé durant trois heures avec en vue, les objectifs spécifiques suivants :

  • Poser le débat général de la protection des données personnelles dans les pays membres de l'OHADA, à l'heure du numérique.
  • Réfléchir sur le contexte et la problématique de la révolution numérique en lien avec les données personnelles.
  • Faire l'état des lieux de la législation en matière de protection des données personnelles et des règles qui encadrent le traitement des données personnelles mis en œuvre par les organismes ou entreprises de l'espace OHADA.

M. Moumouni Krissiamba OUIMIGA, dans son adresse, après avoir remercié le cabinet pour cette invitation amicale, a déclaré être sensible à l'initiative de cette conférence. Pour ce dernier, la pertinence du thème ne fait aucun doute et surtout en cette période de crise sanitaire où le monde entier s'en est remis au numérique. La question est donc d'actualité et mérite d'être traitée avec le plus grand soin.

Il s'est donc livré à cet exercice dans la première partie de la séance ; la seconde partie sera consacrée au débat. Du jeu de « Questions-Réponses » auquel l'animateur a bien voulu se prêter, on peut en retenir ce qui est ci-après résumé.

Le contexte de la révolution numérique

Si l'OHADA semble être un modèle de droit communautaire réussi, il est également un marché économique contraint de s'adapter en permanence. La révolution numérique qui s'opère depuis quelques années en Afrique oriente de plus en plus cet espace économique vers une économie numérique. Pour réussir cette économie numérique, l'OHADA se doit de se doter de moyens législatifs suffisamment outillés pour relever ce défi que l'année 2020 a fait porter à son comble par l'utilisation accrue de la digitalisation dans beaucoup de secteurs d'activités.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, l'intervenant a tenu à faire quelques clarifications conceptuelles en donnant les définitions au sens des textes communautaires, des mots et expressions tels que « données personnelles », « traitement de données personnelles », « responsable du traitement », « sous-traitant » et « personne concernée ».

Définissant ensuite l'économie numérique comme une économie produite du fait de l'utilisation des technologies numériques de l'information et de la communication (TNIC) permettant notamment un gain de temps, M. OUIMIGA a démontré l'urgence de faire le point sur la situation légale et réglementaire dans l'espace OHADA, mieux, la voir évoluer puisque le constat est désormais clair pour les participants : l'espace OHADA vit à l'ère de la révolution digitale sans un cadre juridique spécifique, notamment en matière de protection des données personnelles, alors que l'objectif premier des États en signant le traité de l'OHADA est justement de garantir la sécurité juridique et judiciaire des affaires en Afrique.

L'OHADA et la protection des données personnelles

L'expert a pris soin d'exposer la situation législative de chacun des dix-sept États membres. L'état des lieux révèle que des pays membres de l'OHADA disposent d'une législation ainsi qu'une autorité de contrôle, tandis que certains ne disposent que d'une législation et d'autres, à ce jour, n'ont encore rien prévu. De là se pose la question de la transnationalité du traitement des données personnelles qui renvoie entre autres au transfert des données personnelles à l'intérieur et hors de l'espace OHADA. L'expert s'est également posé la question de l'application extraterritoriale de certains instruments juridiques dont l'un des plus importants est le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) de l'UE.

Il est ressorti de ses explications que le RGPD s'applique au traitement de données à caractère personnel effectué dans le cadre des activités d'un établissement, d'un responsable de traitement ou d'un sous-traitant ; ceci, que le traitement ait lieu dans l'union européen ou non. Il en est de même pour les données à caractère personnel relatives à des personnes concernées se trouvant sur le territoire de l'union.

Quelle implication pour des organismes ou entreprises de l'espace OHADA ?

En Afrique, une convention a été adoptée en la matière. Il s'agit de la Convention de l'Union africaine sur la Cybersécurité et la protection des données à caractère personnel du 27 juin 2014. À ce jour, ce texte n'est toujours pas en vigueur faute d'avoir enregistré 15 instruments de ratification de la part des États membres ; cinq pays seulement l'ayant ratifié à ce jour. Toutefois, au niveau de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), il y a l'Acte additionnel A/SA.1/01/10 relatif à la protection des données à caractère personnel dans l'espace CEDEAO, adopté le 16 février 2010 à Abuja au Nigéria, qui permet de régir les traitements de données personnelles. A cela s'ajoute la législation nationale pour les États qui en disposent.

L'expert a évoqué en effet l'absence d'une réglementation uniforme efficace, constituant ainsi un frein au développement de l'économie numérique au niveau de l'espace OHADA.

Le cadre juridique de la protection des données personnelles au sein de l'OHADA

Il en est venu ensuite à tracer le cadre juridique de la protection des données personnelles au sein de l'espace communautaire africain.

Au vu des explications du conférencier, tout organisme public ou privé de l'espace OHADA doit se conformer notamment aux principes directeurs en matière de traitement de données personnelles. Ils doivent également respecter les droits reconnus aux personnes dont les données personnelles font l'objet de traitement.

Ces principes prévus par l'Acte additionnel et la Convention de l'Union africaine similaire à ceux existants dans les autres réglementations à l'échelle internationale sont ceux :

  • du consentement et de la légitimité ;
  • de licéité et de la loyauté ;
  • de légitimité et de l'équité du traitement ;
  • de finalité, de pertinence, de conservation ;
  • de l'exactitude ;
  • de transparence ;
  • de confidentialité et de sécurité ;
  • du choix du sous-traitant.

Ces principes vont de pair avec les droits des personnes concernées, eux aussi issus des mêmes textes, à savoir :

  • le droit à l'information
  • le droit d'accès
  • Le droit d'opposition
  • Le droit de rectification et de suppression

En tout état de cause, pour M. OUIMINGA, il est certain que les États membres de l'OHADA ont un défi à relever tant sur le plan juridique que technologique pour arriver à asseoir un cadre normatif effectif et efficace en matière de protection de données personnelles. Pour l'expert, une législation uniforme à l'instar du RGPD, sinon mieux que celui-ci, s'impose.

A l'issue de cette présentation riche, la parole a été donnée à :

  • M. Joël Dominique LEGADA, Président de la Commission Nationale de la protection des données personnelles du Gabon qui a partagé avec l'assistance son expérience de terrain après avoir présenté en quoi consiste la mission de la Commission gabonaise.
  • Me Maxence KIYANA, avocat en République Démocratique du Congo (RDC) quant à lui, a été invité à présenter son métier dans le contexte numérique et à donner son avis sur les défis de la profession dans un proche avenir par rapport aux exigences du traitement données personnelles, étant entendu que les avocats non seulement collectent des données personnelles, mais conseillent également des entreprises qui en collectent au quotidien.

Les échanges qui en sont suivis démontrent bien l'urgence du sujet, mais surtout la complexité à légiférer efficacement en la matière si ce n'est l'adoption prochaine d'un acte uniforme sur le numérique prenant en compte la question spécifique de la protection des données personnelles. Du reste, la législation béninoise relativement aboutie a été souvent citée au cours des débats et pourrait constituer un exemple pour les législateurs nationaux des États membres de l'OHADA.

C'est sur cette recommandation forte que le cabinet organisateur par la voix de sa gérante, Arlette BOCCOVI s'est engagée à transmettre au Secrétariat permanent de l'OHADA, que les travaux ont pris fin.

Le cabinet SIRE OHADA voudrait une fois de plus remercier :

  • les participants pour les échanges très fructueux et leur détermination aux côtés du cabinet pour faire avancer le droit des affaires en Afrique ;
  • l'intervenant M. Moumouni Krissiamba OUIMIGA pour son expertise et sa disponibilité ;
  • l'UNIDA pour son impressionnant travail de promotion de l'OHADA depuis de nombreuses années.

Fait à Lomé le 10 décembre 2020

Moumouni Krissiamba OUIMIGA
Juriste - Droit des données personnelles

Arlette BOCCOVI
Gérante du Cabinet SIRE OHADA
Email : arlette.boccovi@sire-ohada.com

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