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OHADA : Un modèle africain d'harmonisation juridique qui s'étend et à Influence au-delà du continent

  • 08/12/2025
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L'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) se distingue comme l'une des expériences d'intégration juridique les plus réussies de la fin du XXe siècle. Fondée sur le Traité de Port-Louis de 1993, révisé à Québec en 2008, l'OHADA est une organisation internationale dotée d'une personnalité juridique qui œuvre à l'intégration juridique entre ses 17 États membres. Son objectif principal est de moderniser et d'harmoniser le droit des affaires afin de garantir la sécurité juridique et judiciaire pour les entreprises et les investisseurs, favorisant ainsi le développement économique et la création d'un vaste marché intégré en Afrique.

Au-delà du continent africain, l'OHADA s'est exporté dans la Caraïbe et inspire même l'Union européenne. Cela sans abandonner les possibilité d'élargissement à de nouveaux membres africains au premier titre desquels le Burundi.

L'Inspiration pour la Caraïbe et L'Union européenne

Bien que l'OHADA se concentre sur l'Afrique de l'Ouest et Centrale, son succès s'inscrit dans un mouvement plus large de regroupement et d'harmonisation pour faire face à la mondialisation économique. Tandis que l'OHADA propose un modèle réussi d'harmonisation juridique, d'autres blocs régionaux, comme la Communauté des Caraïbes (CARICOM), ont entrepris des efforts d'intégration. Ainsi a été mis en place l'Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires dans la Caraïbe (OHADAC). Sous formes associative, elle dispose d'un Centre régional d'arbitrage et fonctionne sur la base de lois-modèles.

L'OHADA comme une source d'inspiration est clairement le modèle choisi en Europe pour répondre à l'idée d'un droit des affaires européen commun, parfois évoqué sous le nom de « Code européen des affaires » ou encore comme le « 28ème régime ». Cela répond aux Rapports Letta et Draghi dans le cadre d'une relance du Marché Unique.

Cette reconnaissance de l'OHADA comme modèle est solidifiée par le succès de son architecture judiciaire. La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) de l'OHADA est en effet considérée comme l'unique expérience réussie de transfert de souveraineté judiciaire dans le monde. La CCJA, comme juridiction du troisième degré, assure une interprétation et une application cohérentes et communes des Actes uniformes, permettant ainsi d'assurer la sécurité juridique des affaires.

L'OHADA, forte de ses règles juridiques unifiées et de la CCJA, est ainsi régulièrement citée parmi les meilleurs réformateurs mondiaux, renforçant l'image de l'Afrique comme un « pôle de développement ».

Modernisation et digitalisation : des normes transposables

L'OHADA a intégré l'innovation dans son droit en adoptant des solutions modernes, notamment dans la gestion des sociétés commerciales. L'introduction du digital a été consacrée par les Actes uniformes révisés, y compris ceux relatifs au droit commercial général (AUDCG) et au droit des sociétés commerciales (AUDSCGIE), en réponse à l'émergence des technologies de l'information et de la communication (TIC).

Des mécanismes de dématérialisation des formalités et de reconnaissance du formalisme électronique ont été mis en place, reconnaissant aux documents sur support électronique la même validité juridique et force probatoire (principe d'équivalence fonctionnelle) que ceux sur support papier. Par exemple, l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d'intérêt économique (AUDSCGIE) de 2014 a institué la possibilité pour les actionnaires et les administrateurs de participer aux réunions des organes sociaux par visioconférence ou d'autres moyens de télécommunication. Le vote par correspondance est également possible par courrier électronique si les statuts le prévoient.

Cette modernité, le droit OHADA est en mesure de l'amener à d'éventuels nouveaux États membres vu que le Traité de Port-Louis prévoit que tous les États africains peuvent être candidats à l'adhésion.

L'Intégration du Burundi dans l'espace OHADA : une démarche stratégique

L'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), est incontestablement un modèle d'intégration juridique ayant fait ses preuves. Ce succès suscite l'intérêt de certains États comme le Burundi par exemple mais aussi Madagascar. Concernant le Burundi, le processus semble déjà bien engagé. S'il est mené à son terme, le Burundi deviendrait le 18e État membre de l'OHADA. Cette possible adhésion à l'espace juridique unifié s'inscrit dans une dynamique continentale vers la construction d'une économie plus résiliente et un État de droit plus efficace.

Un impératif de modernisation et de sécurité juridique

La démarche d'adhésion du Burundi est motivée par une volonté politique claire de moderniser le climat des affaires et de renforcer l'intégration régionale correspondant au plan national de développement 2018-2027 et à la « Vision Burundi pays émergent en 2040 et pays développé en 2060 ». Cette initiative, a pris naissance dans la société civile (création d'un Club OHADA à Bujumbura et organisation d'évènements dédiés) et est aujourd'hui pilotée par le ministère de la Justice. Le Secrétaire Permanent de l'OHADA a d'ores et déjà fait plusieurs déplacements au Burundi. Récemment, Gervais Hajayandi, quant à lui Secrétaire Permanent du Ministère de la justice burundais, a souligné que cette adhésion est une « étape décisive dans la consolidation des réformes juridique et économique ».

L'objectif principal est de remédier aux défis structurels qui freinent l'environnement économique burundais et ainsi répondre à la vision stratégique de l'Etat. Le pays est confronté à la multiplicité des textes juridiques, à la lenteur des procédures commerciales, à l'absence de jurisprudence accessible et à une méfiance persistante envers le système judiciaire. Dans un contexte de mondialisation, l'absence d'un système harmonisé est très clairement un « facteur d'hésitation pour les investissements étrangers ».

L'OHADA offre une réponse concrète à ces problématiques en proposant un modèle de droit harmonisé et éprouvé. Selon le spécialiste Dr. Emmanuel Kagisye, pour un investisseur déjà actif dans d'autres États parties (tels que le Sénégal ou le Cameroun par exemple), s'implanter au Burundi deviendrait plus simple pour lui s'il y retrouve les mêmes règles juridiques. Les bénéfices attendus incluent alors la sécurisation des transactions commerciales, la simplification des procédures de création d'entreprises, et l'harmonisation des normes comptables.

Les Étapes clés du processus d'adhésion

Le processus d'intégration est marqué par des étapes méthodiques, notamment l'organisation en juin 2025 à Gitega, capitale politique du Burundi, d'un atelier national visant à valider les conclusions d'une étude de faisabilité sur l'adhésion.

Les débats ont couvert des questions essentielles, telles que :

  • La compatibilité entre les textes juridiques burundais existants et les Actes uniformes de l'OHADA.
  • Les réformes nécessaires dans l'enseignement du droit, incluant la proposition d'introduire un module obligatoire consacré au droit OHADA dans les cursus universitaires.
  • La gestion des conflits de normes et la capacité de la magistrature à intégrer les nouveaux textes.

À l'issue de cet atelier, plusieurs recommandations concrètes ont été adoptées :

  • La validation politique de l'étude de faisabilité par le gouvernement.
  • La création d'un comité national de pilotage pour coordonner les réformes.
  • L'élaboration d'un plan de mise à niveau institutionnelle et l'intégration progressive des normes OHADA dans les pratiques judiciaires.

Défis et Perspectives pour le Burundi et l'OHADA

Le chemin vers l'adhésion n'est pas sans obstacles, le principal défi étant l'appropriation nationale d'un droit perçu comme complexe, voire élitiste. Il faudra ainsi former des formateurs, renforcer les capacités institutionnelles et éventuellement traduire certains textes en kirundi.

L'Association pour l'Unification du Droit en Afrique (UNIDA) s'est impliquée dans cette phase préparatoire. Stéphane Mortier, un acteur de la diffusion du droit OHADA, a précisé que l'UNIDA mène des efforts de vulgarisation et de diffusion du droit OHADA au Burundi en vue d'une prochaine adhésion. Dans ce cadre, un ouvrage collectif sur le sujet, qui vient appuyer l'étude de faisabilité, a récemment été publié avec les contributions d'une quarantaine de spécialistes. Également des conférences sur le droit OHADA sont régulièrement organisées à l'Université du Burundi sous la supervision du professeur Anaclet Nzohabonhayo, particulièrement impliqué lui aussi.

L'adhésion du Burundi, si elle aboutit, s'inscrira dans la dynamique d'intégration juridique continentale et de sécurité juridique, renforçant ainsi la position du pays au sein des institutions économiques africaines. L'OHADA, forte de cet élargissement potentiel à un 18e État membre, continue de s'affirmer comme un pôle de développement pour l'Afrique.

Source : www.veillemag.com

Processus d'adhésion du Burundi, par Me Abdul MTOKA

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