preloader

Actualité

photo1

Le Burundi explore son adhésion à l'OHADA

  • 11/06/2025
  • 400
  • Aucun commentaire

Dans le cadre de ses réformes engagées pour moderniser le climat des affaires et soutenir son intégration régionale, le Burundi a organisé un atelier national sur la faisabilité de son adhésion à l'OHADA, l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires. Cette rencontre, appuyée par l'Agence Française de Développement marque une étape stratégique pour l'avenir du droit des affaires dans le pays.

A Gitega, capitale politique du Burundi, le débat juridique a récemment pris une tournure historique. Pendant deux jours du 27 au 28 mai, un atelier d'envergure nationale s'est tenu avec pour objectif principal : la validation des conclusions d'une étude de faisabilité sur l'adhésion du Burundi à l'OHADA.

Ce projet, soutenu par l'AFD, l'Agence Française de Développement (AFD) et piloté par le ministère de la Justice, s'inscrit dans une vision de transformation à long terme du cadre juridique national et de renforcement de l'intégration économique du pays au sein de l'espace africain.

Comme l'ambassadeur de France au Burundi l'a fait savoir, depuis plusieurs années, le gouvernement burundais affiche une volonté politique claire : assainir et moderniser l'environnement économique du pays. Dans cette optique, l'amélioration du climat des affaires est devenue une priorité stratégique. Il s'agit non seulement de rassurer les investisseurs nationaux et étrangers, mais aussi de rendre le cadre juridique plus prévisible, plus stable et plus accessible.

Il a indiqué que le Burundi, comme d'autres pays de la région, est confronté à des défis structurels liés à la multiplicité des textes juridiques, à la lenteur des procédures commerciales, à l'absence de jurisprudence unifiée, ou encore à la méfiance persistante envers le système judiciaire.

« L'adhésion à l'OHADA apparaît dès lors comme une réponse potentielle à ces difficultés, en proposant un modèle de droit harmonisé, éprouvé par d'autres États d'Afrique francophone, basé sur des Actes uniformes et une Cour Commune de Justice et d'Arbitrage », a souligné Sébastien Minot.

D'après ce diplomate, si le Burundi décide de rejoindre l'OHADA, la France sera pleinement disposée à poursuivre son soutien notamment dans la formation, le renforcement des capacités et d'accompagnement dans la mise en œuvre de ces réformes.

« Nous croyons fermement que l'intégration régionale est un levier bénéfique à son développement. Le Burundi, par son positionnement et sa volonté des réformes, a toute sa place dans cette dynamique continentale en cohérence avec les objectifs de l'OHADA », a-t-il ajouté.

Une étude stratégique pour une décision éclairée

Commanditée par le ministère de la Justice, l'étude de faisabilité sur l'adhésion à l'OHADA s'est voulue à la fois exhaustive, rigoureuse et réaliste.

Réalisée par une équipe multidisciplinaire d'experts nationaux et internationaux, elle a exploré l'ensemble des dimensions de l'adhésion : juridique, économique, institutionnelle, pédagogique, mais aussi politique.

L'étude s'est basée sur un diagnostic approfondi du droit burundais actuel, en mettant en lumière les zones de convergence et de divergence avec les Actes uniformes de l'OHADA.

Comme l'a souligné le Secrétaire Permanent au ministère de la Justice, l'adhésion à l'OHADA constitue une étape décisive dans la consolidation des réformes juridique et économique.

« Elle s'inscrit dans la droite ligne des orientations majeures de notre plan national de développement 2018-2027 qui recommande l'amélioration du climat des affaires, la simplification des procédures, la sécurisation des investissements et des réformes du droit des affaires », a expliqué Gervais Hajayandi.

Dans son allocution d'ouverture, il a reconnu que dans un contexte de mondialisation économique, les investisseurs et autres opérateurs économiques recherchent avant tout un cadre légal et stable.

« L'absence d'un système harmonisé constitue dans de nombreux cas un facteur d'hésitation pour les investissements étrangers », a souligné le Secrétaire Permanent au ministre de la Justice.

Des débats nourris autour des implications pratiques

Les discussions ont été articulées autour de plusieurs axes : la compatibilité entre les textes burundais et ceux de l'OHADA, les réformes nécessaires dans l'enseignement du droit, la gestion des conflits de normes, la capacité de la magistrature à intégrer les textes OHADA, et les mesures d'accompagnement à prévoir pour le secteur privé. L'ambiance était studieuse, mais dynamique. La diversité des profils présents a permis des échanges riches, dépassant le cadre strictement technique pour aborder les dimensions sociales, économiques et pédagogiques de l'adhésion. La présence de représentants d'autres pays membres de l'OHADA a également apporté un éclairage comparatif utile, notamment en ce qui concerne les défis rencontrés et les bonnes pratiques à adopter. Plusieurs interventions ont mis en avant la complexité technique des Actes uniformes de l'OHADA, qui nécessitent une formation spécifique.

Du côté du monde académique, les préoccupations ont porté sur l'actualisation des programmes de formation en droit. Un professeur de l'Université du Burundi a proposé l'introduction d'un module obligatoire consacré au droit OHADA dans les cursus de licence et de master.

« Il serait incohérent d'adopter une législation que nos étudiants ne maîtrisent pas », a proposé le chef de département de la faculté de droit à l'Université du Burundi.

Quant aux acteurs économiques, leur principale demande a été la clarté des textes et l'accessibilité à l'information. Ils ont rappelé que pour les entrepreneurs, le plus important est de savoir à quoi s'attendre : un droit prévisible est un droit favorable au développement.

Les bénéfices attendus : sécurité juridique et intégration économique

Le consensus général s'est formé autour des bénéfices que pourrait tirer le Burundi de son adhésion à l'OHADA. Parmi eux figurent la sécurisation des transactions commerciales, la simplification des procédures de création d'entreprises, l'harmonisation des normes comptables, et l'ouverture à un marché juridique régional plus vaste.

« L'OHADA représente un espace où le droit est le même d'un pays à l'autre, ce qui facilite considérablement les échanges transfrontaliers. Pour un investisseur opérant au Sénégal, en Côte d'Ivoire ou au Cameroun, une implantation au Burundi deviendrait plus simple s'il retrouve les mêmes règles juridiques. Ce facteur d'harmonisation est un puissant levier d'attractivité », a expliqué Dr Emmanuel Kagisye, spécialiste en droit des affaires. Même son de cloche chez le Pr Victor Kalunga Tshikala, Recteur de l'Université de Kalemie en RDC.

Il a démontré que sur le plan régional, l'adhésion à l'OHADA renforcerait aussi la position du Burundi au sein des institutions économiques africaines, en particulier vis-à-vis de ses voisins francophones. Elle pourrait aussi favoriser la coopération entre juges, avocats et universitaires dans une logique d'intégration juridique continentale.

Les défis identifiés : appropriation, formation et transition

C'est pour valider ces conclusions et en débattre collectivement que l'atelier national a été organisé à Gitega. L'événement a réuni un nombre considérable de divers horizons : hauts cadres de l'administration publique, magistrats, avocats, représentants du monde académique, opérateurs économiques, membres de la société civile, journalistes et partenaires techniques.

« Mais le chemin vers l'adhésion ne sera pas sans obstacles », ont-ils tous observé. Outre la nécessité de réformer des lois existantes, le principal défi sera celui de l'appropriation nationale. Le droit OHADA, bien qu'harmonisé, reste perçu comme complexe, voire élitiste. Il s'agira donc de veiller à ce qu'il soit compris et utilisé à tous les niveaux de la société : administration, entreprises, citoyens.

Il faudra également former des formateurs, renforcer les capacités institutionnelles, traduire certains textes, produire des guides pratiques et installer progressivement une culture juridique partagée. Une stratégie de communication efficace et adaptée est essentielle pour éviter que la réforme ne soit perçue comme imposée d'en haut.

À l'issue de l'atelier, les participants ont adopté une série de recommandations concrètes, parmi lesquelles :

  • La validation politique de l'étude de faisabilité par le gouvernement ;
  • La création d'un comité national de pilotage pour coordonner les réformes liées à l'adhésion ;
  • L'élaboration d'un plan de mise à niveau institutionnelle ;
  • L'organisation d'une campagne nationale d'information et de sensibilisation ;
  • L'intégration progressive des normes OHADA dans l'enseignement et les pratiques judiciaires.

Les autorités ont réaffirmé leur engagement à poursuivre les concertations et à inscrire ce processus dans la durée. L'accompagnement des partenaires techniques, au premier rang desquels l'AFD, sera crucial dans la mise en œuvre des prochaines étapes.

L'adhésion du Burundi à l'OHADA s'inscrit dans une tendance continentale vers l'harmonisation juridique. Elle témoigne d'un choix assumé de s'aligner sur les meilleures pratiques régionales pour construire une économie plus résiliente et un État de droit plus efficace.

Si le projet est conduit avec méthode, pédagogie et transparence, il pourrait constituer une avancée majeure pour la justice commerciale au Burundi et un levier pour son développement durable.

Ce processus, s'il est mené à son terme, fera du Burundi le 18e pays membre de l'OHADA et renforcera sa place dans la dynamique d'intégration régionale et de sécurité juridique en Afrique.

Source : www.iwacu-burundi.org

Laisser un commentaire