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Dans la tempête, un nouveau souffle. Editorial publié dans la Revue Lamy Droit Civil - N° 55 décembre 2008

Jacques Mestre
Jacques Mestre
Par sa dramatique ampleur, la crise économique et financière qui secoue le monde angoisse chacun de nous. Mais, en même temps, et comme pour exorciser les peurs dont elle pourrait être porteuse, elle est sans doute aussi une invitation à refuser la fatalité et à porter notre regard au loin, hors des frontières qui le bornent habituellement. À la manière dont - singulière coïncidence de l'Histoire - la récente élection du juriste Barack Obama à la tête de la principale nation occidentale conduit à regarder autrement...l'Afrique! Arrêtons-nous sur ce continent. On le présente souvent comme le théâtre de déchirements, de luttes intestines. Ce qui est trop souvent vrai. Mais n'oublions pas aussi ses réussites, sa jeunesse, et parfois même sa capacité de rassemblement ainsi qu'en témoigne, pour nous juristes, le développement exemplaire de l'Ohada. Cette Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires, née en 1993 parle Traité de Port-Louis et qui a réussi à doter seize pays d'un droit harmonisé, dont le respect est assuré par une Cour supérieure unique. À l'heure où la construction juridique européenne suscite toujours autant de réticences, et où le projet d'un Code commun des contrats, pourtant simplement optionnel, s'enlise, comment ne pas être admiratif devant cet effacement réussi des souverainetés nationales pour la mise en place de règles communes, favorisant l'intégration régionale et sécurisant les investissements étrangers? Et ce d'autant plus qu'une lecture attentive des Actes Ohada révèle que l'effort d'harmonisation ne s'est nullement accompagné d'une fermeture aux innovations. Tout au contraire. Qu'on songe, dans l'Acte sur les sûretés, à la réglementation pionnière des lettres de garantie et de contre garantie, du droit de rétention ou du nantissement sur stocks, ou bien, dans l'Acte sur les procédures simplifiées de recouvrement, à celle si originale de l'injonction de délivrer ou de restituer un bien meuble déterminé. Il n'est pas jusqu'au contrat de vente, saisi à travers l'Acte dit de droit commercial général, qui ne soit lui même l'objet de dispositions innovantes, telles que l'article 246, précisant que « si avant la date de l'exécution du contrat, il est manifeste qu'une partie commettra un manquement essentiel à ses obligations, l'autre partie peut demander à la juridiction compétente la résolution de ce contrat », ou bien encore l'article 266 mettant à la charge du créancier victime l'obligation de minimiser son dommage. Auréolée de son succès, l'Ohada se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Fortifier ses acquis... et donc s'endormir un peu, ou bien poursuivre sa marche en avant en offrant demain aux États qui lui font confiance un bel Acte uniforme en droit contractuel général. Ce chantier est, au demeurant, déjà largement ouvert puisque, dès 2002, le Secrétariat permanent de l'Ohada a pris contact à cette fin avec l'lnstitut international pour l'unification du droit privé et que celui-ci a confié une expertise à l'un des plus grands civilistes contemporains, le professeur belge Marcel Fontaine. Après avoir beaucoup écouté, et retiré le meilleur profit de sa grande pratique de la technique contractuelle, Marcel Fontaine a élaboré un avant-projet qui s'inspire assez largement des principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international, mais tient compte aussi fort opportunément des spécificités africaines. À présent, cet avant-projet est l'objet d'une discussion serrée, ainsi qu'en témoignent les beaux Actes, récemment publiés dans la Revue de droit uniforme, d'un important colloque tenu à Ouagadougou sur l'invitation du professeur Sawadogo. Mais, pour utile qu'elle soit, cette discussion ne doit pas devenir, à l'image du « modèle » européen, source d'enlisement! Car l'enjeu est ici de taille. Si elle sait, une nouvelle fois, faire preuve d'audace, l'Afrique peut en effet devenir, en droit des contrats, une référence universelle et concentrer tous les regards. Bref, être un modèle juridique parce qu'elle aura su, la première, donner plein effet à ces principes généraux du commerce international dans lesquels tous les opérateurs économiques saluent une conciliation réussie entre liberté, sécurité et loyauté. Jacques MESTRE Doyen honoraire de la Faculté de droit d'Aix-Marseille, Directeur scientifique de la Revue Lamy Droit Civil

Commentaires

  • 16/03/2009 20h45 CYPRIEN YOUMBI

    Mais qu'est ce qui fait le problème en Afrique? est ce l'africain ou alors le dirigeant africain? That's the question.
    Ingénieux, intelligent, créatif, ... l'africain est malheureusement confiné dans une logique de gestion de la cité qui musèle et les intelligences et les libertés. Du coup, l'expatriation se comprends, d'où la fuite des cerveaux et ...
    A qui la faute? Aux population qui semblent s'être déjà résignés? Ou au politiques qui manquent de vision génératrices de bon vivre? Ou alors, la faute serait aux prébandiers du nord qui de manière très diplomatique contraignent les dirigeants africain à l'inertie?

  • 16/03/2009 20h45 CYPRIEN YOUMBI

    Comme s'il était encore nécessaire de rappeler que l'africain est capable de créer et de gérer.
    Pourtant la sombre réalité des faits sociaux laissent penser que l'Afrique est un domaine d'affrontement ou des territoires d'extrême pauvreté.
    Que non, la chère science n'a pas encore pu montrer que le noir était un sous homme, c'est au contraire un homme à part entière et d'ailleurs, la souche même de la race humaine.

  • 16/03/2009 14h52 YEO MASSA

    Merci au Pr Mestre son article. Je souhaite que les Africains s'approprient plus le droit ohada surtout au niveau des juridictions suprêmes des Etats membres afin qu'elles n'empiètent pas sur les attributions de la ccja. Certaines décisions de la cour suprême de cote d'ivoire donnent des signes d'inquiétude.

  • 12/03/2009 21h11 JOSEPH CHRISTIAN BILLONG

    merci pour ce merveilleux article

    c'est un vibrant éloge aux sciences juridiques et au droit ohada en général. en tant que journaliste rédacteur en chef du journal le manager, hebdomadaire d'actualité économique et des enreprises, j'aimerais contribuer à la vulgarisation de vos articles en y consacrant régulièrement une page entière de mon journal.
    Le Manager recrute un lectorat étendu qui compte parmi ses membres des hommes d'affaires, conseils fiscaux à l'instar du docteur pierre Alaka Alaka des représentant diplomatiques. Distribué par messapresse sur l'ensemble du territoire national, nous tirons à plusieurs milliers d'exemplaires.

  • 12/03/2009 18h38 NSIDZE SANDRINE

    Comme vous l'avez si bien dit, l'Afrique n'est pas qu'un carrefour de déchirement. Sachons reconnaitre les mérites de nos bonnes actions ; car ce n'est qu'à partir de cet instant que nous saurons avancer. Et pour cela nous avons besoin d'unir nos forces et de conjuguer ensemble. Surtout et surtout un travail en synergie est vivement recommandé pour notre cher continent qui est si fragile.

  • 12/03/2009 17h36 OUSMANA SADJIO

    Ce qu'écrit le Doyen Jacques Mestre, civiliste de talent, est une invite à nous, africains, à plus de foi dans ce dont nous sommes capables de faire. Car l'OHADA prouve à suffisance que nous pouvons produire de la valeur.

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