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OHADA / Bénin / Compte rendu du séminaire sur la saisie-attribution de créance, du 17 au 20 septembre 2019 à Cotonou

Communiqué du Cabinet SIRE OHADA

Thème : La saisie-attribution de créance pratiquée entre les mains d'un établissement bancaire : comment éviter la responsabilité du tiers saisi qu'est la banque ?

photo1Une étude sommaire réalisée en avril 2019 dans l'espace juridique OHADA sur les difficultés récurrentes que rencontrent les juristes de banque, a inspiré au cabinet SIRE OHADA, la tenue à Cotonou (BENIN) du 17 au 20 septembre 2019, d'un séminaire inter bancaire sur le thème ci-dessus mentionné. Cette rencontre a été également l'occasion d'échanger sommairement sur certaines autres préoccupations recensées par ladite étude.

Sur invitation du cabinet SIRE OHADA et de son partenaire de longue date, Monsieur Ousseynou SOW, Monsieur Cosme AHOUASSOU, Directeur Exécutif de l'Association Professionnelle des Banques et Etablissements Financiers du Bénin (APBEF-Bénin) a accepté de prendre part à la cérémonie d'ouverture des travaux.

Dans son mot introductif, Madame BOCCOVI, gérante du Cabinet organisateur, a d'abord souhaité la bienvenue aux participants venus du Sénégal, de la Guinée, de la Côte d'ivoire, du Mali, du Togo, du Gabon, du Tchad et de la République Démocratique du Congo pour échanger avec leurs homologues du Bénin. Elle a ensuite salué la fidélité de l'Expert en droit bancaire Ousseynou SOW avant de remercier le Directeur Exécutif dont la présence démontre de l'intérêt du sujet.

En effet, la gestion des incidents de compte constitue une grande partie de l'activité bancaire. Celle-ci participe à la défense des intérêts des tiers, notamment en matière de recouvrement au moyen des voies d'exécution. C'est dans ce contexte que les banques en leur qualité de tierces saisies, sont submergées quotidiennement par les visites d'huissiers de justice, venus signifier ou s'enquérir du sort des saisies déjà pratiquées.

Les banques sont de plus en plus condamnées aux causes de la saisie. La jurisprudence se fait abondante. Ce qui interroge sur la responsabilité des tierces saisies que sont les banques.

photo2En plus des saisies classiques, pose également problème le cas de la gestion bancaire des Avis à Tiers Détenteur (ATD), dont la particularité tient à l'habilitation faite par la loi fiscale au Trésor Public, d'émettre en lieu et place d'une décision de justice, un titre exécutoire pour le recouvrement de ses créances fiscales.

C'est de l'ensemble de ces préoccupations que animateurs et participants échangeront durant quatre jours avec en vue les objectifs suivants :

  • Faire acquérir aux agents de banque la maitrise de ces institutions que sont la saisie-attribution et l'Avis à Tiers Détenteur ainsi que leur mode de traitement,
  • Permettre aux personnels des banques dans l'espace juridique OHADA et aux autres professionnels concernés par le sujet à savoir les avocats, les magistrats du siège d'échanger et d'évoquer leurs préoccupations respectives.

Monsieur SOW dans son adresse très brève s'est réjoui de la tenue de cette rencontre et de la présence du Directeur Exécutif de l'APBEF Bénin, par ailleurs acteur de l'évolution du secteur bancaire, qui porte depuis plusieurs années une attention particulière aux préoccupations des juristes auxquelles il ne manque pas de proposer des solutions.

Monsieur Cosme AHOUASSOU dans sa réponse, après avoir remercié pour cette invitation amicale, a déclaré être sensible par l'initiative de ce séminaire. Le fort taux de participation qu'il note est selon lui très amplement justifié par l'importance du thème. Pour ce dernier, le sujet relève d'une matière tout aussi pratique que complexe ; il demeure à ce titre, une réelle préoccupation au Bénin, tant les condamnations des banques sont nombreuses. Avant de se retirer et laisser place aux travaux, le Directeur Exécutif a exprimé sa disponibilité pour accueillir les recommandations qui sortiront des présentes assises.

I. Sur la saisie-attribution de créance entre les mains d'un établissement bancaire

Il y a lieu d'observer ici que la matière relative aux saisies très riche et intarissable est néanmoins complexe. Et cette complexité s'accroit davantage, lorsque la saisie-attribution est pratiquée entre les mains d'un établissement bancaire, obligeant celle-ci en sa qualité de tierce saisie, et ceux qui la pratiquent tels que les juges et les auxiliaires de justice, à combiner à la fois :

  • les règles de droit commun à savoir l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution,
  • et celles particulières du droit bancaire. Du reste, l'on trouvera dans l'acte uniforme précité, des dispositions qui y invitent expressément notamment les articles 50 alinéa 2, 156 alinéa 1, et 161. Le législateur OHADA ne peut donc faire fi du particularisme bancaire ; ce particularisme excluant ainsi l'application du droit commun là où existent des dispositions spécifiques inhérentes à l'activité bancaire.

Plusieurs cas concrets que rencontrent les agents de la banque et leurs avocats-conseils ont été évoqués avec des suggestions de solution.

Les animateurs ont saisi l'occasion de la formation pour ouvrir une brèche sur une préoccupation connexe ; une actualité jurisprudentielle brulante. Celle de la banque qui pourrait être à l'initiative d'une procédure de saisie-attribution.

II. Sur la créance d'une banque demanderesse à une saisie-attribution

La banque par son activité de crédit se trouve assez régulièrement dans la position de créancière amenée à faire pratiquer une saisie attribution sur les avoirs de ses clients débiteurs. Un focus sur la jurisprudence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) dans l'affaire dite AGROBOSS s'est avéré incontournable.

Dans cet arrêt, la haute juridiction, qualifiant d'unilatéral l'arrêté de compte, lui dénie ainsi les caractères de certitude, de liquidité et d'exigibilité, que seul peut conférer, selon la CCJA, un arrêté dit contradictoire pour être recevable dans le cadre d'une procédure d'injonction de payer. Après un long débat sur cette jurisprudence, les participants sont invités à prendre connaissance des travaux de la dernière rencontre annuelle de l'Association Africaine des Juristes de banque et Etablissement Financier (AJBEF) tenue à Lomé en Avril 2019 au cours de laquelle la question de la reconnaissance du relevé de compte bancaire comme preuve au regard de la jurisprudence y a été amplement discutée avec des recommandations.

Cette question demeure un souci majeur des banques évoluant au sein de l'espace OHADA, dès lors que cette décision de justice ainsi que d'autres qui l'ont précédé, remettent profondément en cause les fondamentaux du droit bancaire et qu'il y a lieu pour les dirigeants des banques de la prendre en charge afin de garantir la pérennité de leurs institutions, acteurs incontournables du développement économique.

III. Sur la gestion bancaire des Avis à Tiers Détenteur (ATD)

Concernant enfin la gestion bancaire des Avis à Tiers Détenteur (ATD), ce séminaire a été l'occasion de constater, dans presque tous les Etats-parties, que le traitement des ATD dans les banques est loin de ce qu'est prévu par les dispositions de l'OHADA. Les débats et la frilosité des participants sur la question témoignent bien de la réalité des pratiques dans les différents pays. En effet, en dépit de la suprématie des dispositions communautaires telle prévue par le Traité instituant l'OHADA signé par les Etats parties eux-mêmes, dans la plupart des pays, les Trésors Publics contraignent encore les tiers saisis, notamment les Etablissements bancaires à se soumettre à leurs exigences ; ceci en violation fragrante des dispositions du droit communautaire. Cette question a été également l'objet d'un riche débat, certains considérant l'ATD comme devant être exclu du champ d'application de l'OHADA dès lors qu'il est relatif à la matière fiscale non couverte par le droit OHADA. Aux termes des échanges, il est recommandé que cette préoccupation qui n'est pas seulement celle des juristes soit portée à la connaissance des dirigeants afin qu'ils s'en saisissent puisqu'elle fait peser sur leurs institutions un risque juridique dont les conséquences peuvent s'avérer dommageables pour la stabilité financière des banques.

IV. Les constats et recommandations

Au terme des travaux, sans exhaustivité, l'on peut retenir ce qui suit :

  1. Les banques sont invitées à faire une revue de leur pratique en matière de saisie attribution en vue de se conformer strictement aux obligations prévues par les textes
  2. La pratique des Avis à Tiers Détenteurs (ATD) continue de se heurter dans la plupart des pays à une dualité de législation gênant le traitement approprié du recouvrement forcé des dettes fiscales. Un cadre de concertation entre les banques et le Trésor Public s'impose dans les différents pays.
  3. Les préoccupations et les difficultés qui persistent en la matière devraient être portées à la connaissance des associations professionnelles des banques, au Secrétariat permanent de l'OHADA, aux autorités politiques afin que les mesures appropriées soient prises de concert. Il en va de la sécurisation et de la pérennité du secteur bancaire.
  4. Sur un plan plus général, la connaissance du droit bancaire par les acteurs du droit répond à une impérieuse nécessité. C'est pourquoi, comme l'ont fortement souhaité les participants, la multiplication de rencontres à l'instar de celle-ci, regroupant magistrats, avocats, huissiers, juristes de banque et d'entreprise des différents pays de l'OHADA, devrait être encouragée. Par ailleurs, l'enseignement du droit bancaire dans les universités, dans les écoles nationales de magistrature et à l'ERSUMA ne peut être que bénéfique pour la sécurisation juridique et judiciaire au sein de l'espace OHADA, gage du développement économique.

C'est par ces recommandations fortes qu'a pris fin ce mémorable séminaire de Cotonou. Les participants ont, avant la remise des attestations qui clôture les travaux, pris chacun la parole pour exprimer, outre les recommandations ci-dessus, leur satisfaction par rapport à leurs attentes et remercier M. Ousseynou SOW qui a généreusement partagé ses connaissances et sa passion du droit bancaire. Ils ont également tenu à manifester leur reconnaissance à Monsieur Sam NORMAN, Coordonnateur du cabinet qui n'a ménagé aucun effort pour leur faciliter leur séjour en terre béninoise.

Madame Arlette BOCCOVI a procédé à la clôture des travaux après une courte synthèse et des mots de remerciement à l'égard :

  • des participants et de leurs institutions respectives
  • de la forte délégation venue de la République Démocratique du Congo composée de juristes de banque, de juriste d'entreprise et de plusieurs avocats
  • de la presse béninoise présente à l'ouverture et à la clôture
  • de l'UNIDA, qui assure depuis plusieurs années la promotion du droit OHADA à travers son site internet OHADA.com

Le cabinet SIRE OHADA n'a pas dérogé à ses habitudes, en organisant en marge des travaux, à une quarantaine de kilomètres de Cotonou, une excursion à l'intention des participants. Cette sortie placée sous le signe de l'intégration africaine a été l'occasion pour eux de découvrir ou de revisiter la route des esclaves et la porte du non retour à OUIDAH après un déjeuner sur le lac TOHO à PAHOU.

Au delà des actions que le cabinet initie habituellement après ses formations pour permettre la poursuite des échanges, les participants au séminaire de Cotonou 2019 ont mis en place une plateforme d'échanges sur les matières juridiques. Le cabinet SIRE OHADA et son partenaire Ousseynou SOW se félicitent de cette belle initiative qu'ils ne manqueront pas d'accompagner.

Fait à Cotonou, le 20 septembre 2019

Arlette BOCCOVI
Gérante, SIRE OHADA
Email :arlette.boccovi@sire-ohada.com
Site internet : www.sire-ohada.com

Commentaires

  • 30/10/2019 13h19 NGOMHA BUITTYS

    Mon commentaire concerne la procédure qui vient après la saisie-attribution des créances pratiquée par un Huissier de Justice à la requête d'un créancier saisissant. Généralement, le débiteur saisi vient en contestation de la saisie-attribution des créances par voie d'assignation.
    Dans ces conditions, le juge des référés doit se prononcer sur les conditions de validité de la saisie-attribution des créances et lorsqu'il arrive que le juge maintient la saisie-attribution des créances et ordonne au tiers saisi de procéder au paiement du créancier, les banques, notamment au Congo-Brazzaville, sont souvent confrontées à un problème important relatif aux réquisitions du Ministère Public aux fins de sursis à exécution de la décision prescrivant le maintien de la saisie-attribution des créances et le paiement par le tiers saisi des sommes d'argent, objet de ladite saisie-attribution.
    Ma question est donc celle de savoir comment doit se comporter une banque face à des réquisitions du Parquet s'appuyant sur des dispositions du droit interne aux fins de sursis à exécution d'une décision de justice rendue en application du droit OHADA ordonnant à la banque de procéder au règlement libératoire des sommes ayant fait l'objet d'une saisie-attribution des créances?

    Et j'avoue qu'au Congo-Brazzaville, ces réquisitions sont prises par le Ministère Public de façon intempestive.

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