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Arbitrage / Exequatur des sentences arbitrales / Caractère non suspensif des recours / Refus de Madame la Garde des sceaux, Ministre de la Justice de revoir le décret du 13 janvier 2011

En écho à la lettre d'information du 19 février 2013 et en réponse à la demande de nombreux abonnés du site OHADA.com de recevoir la réponse à la question parlementaire posée par le député français M. Patrick MENNUCCI, nous vous informons que Madame le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice du Gouvernement français a refusé, le 7 juillet 2013, de revoir le Décret du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage en France. Vous trouverez le contenu intégral de sa réponse infra.

Le contexte de cette question parlementaire mérite d'être rappelé. Au regard des affaires arbitrales en cours et des manquements de certains grands arbitres internationaux dans le respect des obligations d'indépendance, d'impartialité et de révélation des arbitres, votre site www.ohada.com s'était félicité de la question parlementaire posée en février 2013 par le député socialiste Patrick MENNUCCI à Madame la Garde des Sceaux de la République Française sollicitant la révision du décret du 13 janvier 2011 supprimant l'effet suspensif des recours (article 1526 Nouveau Code de procédure Civile français) alors qu'aux termes de l'article 1516 du même Code de Procédure Civile, l'Exequatur d'une sentence arbitrale résulte d'une procédure non contradictoire et est accordé en pratique automatiquement par le Tribunal de Grande Instance, qui est celui de Paris lorsque la sentence a été rendue à l'étranger.

Dans sa réponse publiée au Journal Officiel du 9 juillet 2013, il ressort que Madame la Garde des Sceaux valide le décret querellé pris par le précédent Gouvernement, très favorable à la justice privée arbitrale , et refuse donc de revoir certaines de ses dispositions, pourtant insoutenables et contraires aux principes fondamentaux du droit aux dires même de juristes et professeurs de droit parmi les plus éminents.

Outre les cas emblématiques qui font les choux gras de la presse (Arbitrage Tapie, Total etc.), une autre affaire d'arbitrage met en évidence la fragilité juridique de certaines dispositions du décret susmentionné.Dans ce cas l'arbitre conflicté, Maître Henri C. ALVAREZ, avocat associé du cabinet canadien FASKEN MARTINEAU DUMOULIN LLP, arbître unique qui a dû démissionner au vu du conflit d'intérêt massif non révélé, est aujourd'hui placé sous le statut de témoin assisté par la justice pénale française, un statut à mi-chemin entre celui du simple témoin et celui du mis en examen. Le décret de 2011, qui est entré en vigueur en mai 2011, ne s'applique pas à cet arbitrage, car la sentence de l'arbitre conflicté a été rendue en mars 2011, avant l'entrée en vigueur du décret. On imagine les conséquences qu'aurait eue cette sentence, fondamentalement viciée, si l'appel, formé par les parties lésées devant la Cour d'Appel de Paris, n'avait pas été suspensif.

Ce refus du Gouvernement français de revoir une disposition insoutenable du droit de l'arbitrage français doit inciter à la plus grande prudence toutes les entreprises tentées par la signature d'une clause compromissoire ou, ignorantes des conséquences imprévisibles et sans recours du choix d'une clause arbitrale, souvent recommandée par leurs conseils, excipant de la rapidité et de l'efficacité de la justice conventionnelle.

Vous trouverez ci-dessous la question du député MENNUCCI et la réponse de Madame la Garde des Sceaux du Gouvernement de la République française, publiée au Journal Officiel de la république française le 9 juillet 2013.

Question écrite n° 18814 - 14ème législature posée par M. Mennucci Patrick (Bouches-du-Rhône - Socialiste, républicain et citoyen) publiée au JO le 19/02/2013.

« M. Patrick Mennucci souhaite attirer l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la procédure d'exequatur des sentences arbitrales en France. L'article 1526, alinéa 1er, du code de procédure civile, introduit par le décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage, prévoit que le recours formé contre une ordonnance d'exequatur n'est désormais plus suspensif. Le contrôle étatique exercé sur la régularité de la sentence arbitrale s'exerce dès lors en priorité au moment de l'exequatur de la sentence par le tribunal de grande instance. Le juge de l'exequatur se trouve ainsi investi dès la première instance d'un rôle déterminant pour empêcher l'application en France de sentences rendues dans des conditions non conformes à l'ordre public international. Il s'agit notamment de l'hypothèse dans laquelle une décision est rendue dans des conditions frauduleuses, par exemple par un arbitre en situation de conflit d'intérêts. Or, en l'état actuel du droit positif, l'examen de l'exequatur en première instance a lieu dans le cadre d'une procédure non contradictoire, introduite sur simple requête (article 1516 du code de procédure civile). Le juge de l'exequatur doit ainsi rendre une ordonnance sans avoir pu recueillir d'informations du défendeur ni sur les conditions dans lesquelles la sentence a été rendue, ni sur l'éventuel recours en annulation formé contre cette sentence. Les éléments dont il dispose sont dès lors insuffisants pour déterminer si l'exécution de la sentence est conforme à l'ordre public international. L'unique garde-fou prévu par la loi consiste en la possibilité d'exercer un recours devant le premier président de la cour d'appel ou devant le conseiller de la mise en état dont on sait qu'il s'agit d'une procédure d'urgence peu adaptée à l'examen de questions complexes dont les enjeux peuvent être considérables. En conséquence il lui est demandé quels sont les projets du Gouvernement pour apporter des garanties au justiciable français sur l'exequatur des sentences arbitrales, notamment dans l'hypothèse où un arbitrage aurait été mené dans des conditions frauduleuses ».

Réponse du Ministère de la Justice parue au JO le 09/07/2013.

« En matière d'arbitrage international, les sentences ne peuvent être exécutées en France qu'en vertu d'une ordonnance d'exequatur émanant du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elles ont été rendues ou du tribunal de grande instance de Paris lorsqu'elles sont intervenues à l'étranger. La procédure relative à la demande d'exequatur n'est pas contradictoire et, conformément à l'article 1526 du code de procédure civile, le recours en annulation formé contre la sentence et l'appel contre l'ordonnance ayant accordé l'exéquatur ne sont pas suspensifs. Il s'agit là d'une innovation importante introduite par la réforme de la procédure d'arbitrage issue du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 afin, précisément, d'éviter les recours dilatoires exercés par des parties de mauvaise foi qui, après avoir accepté de se soumettre à une procédure d'arbitrage pour régler leur différend, tentaient d'échapper par la voie d'un recours à l'exécution de la décision rendue dans ce cadre. Il ne paraît pas souhaitable de revenir sur cette modification, d'autant que le premier président statuant en référé ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut arrêter ou aménager l'exécution de la sentence si cette exécution est susceptible de léser gravement les droits de l'une des parties. Par ailleurs, à l'occasion de cette procédure d'exequatur introduite à l'initiative de la partie la plus diligente, le juge s'assure, en application de l'article 1514 du code de procédure civile, que l'exécution de la sentence n'est pas manifestement contraire à l'ordre public international. L'ensemble de ces dispositions assurent ainsi un équilibre entre la nécessité de conférer une certaine efficacité aux sentences arbitrales internationales et la protection des droits des parties. Il n'est donc à ce jour pas envisagé de les modifier ».

Commentaires

  • 16/09/2013 09h46 AMADOU YAYA

    l'arbitrage n'est pas un mode alternatif de règlement des conflits a l'amiable; c'est un mode contentieux. les parties qui décident de recourir a l'arbitrage doivent se conformer a la sentence arbitral. Cependant,les parties des mauvaises foi ont tendance, et se devenu systématique, de chercher à paralyser l'efficacité de la sentence arbitral, ce qui remet fondamentalement en cause la base même des contrats (1134) la position de la garde de sceau est à féliciter.

  • 17/08/2013 19h25 SIDY MOHAMED KONE

    le recours à l'arbitrage signifie que les parties ont opté pour une justice privée donc aucune décision juridictionnelle ne doit freiner l’exécution de la sentence arbitrale. l'arbitrage est une procédure autonome à ce titre, elle ne doit pas souffrir de la procédure juridictionnelle qui est aussi une autre procédure. J'ai la même lecture que de Mme la Ministre sur la procédure l'artibrage

  • 14/08/2013 16h11 IBRAHIM HALIDOU

    Je partage le point de vue de Mme la Ministre de la Justcie, Garde des sceaux motif pris de ce que les parties perdantes à un arbitrage ont tendance à vouloir retarder par tous les moyens l'exécution des décisions rendues. Le rôle du juge de l'exequatur est suffisamment aménagé pour éviter des cas exceptionnels de remise en cause des sentences arbitrales. C'est le lieu de féliciter cette dame Ministre qui, au delà des querelles partisanes, veuille à la bonne marche de la justice française. Je note avec beaucoup de satisfaction son intention de mener une réforme globale de la justice française.

  • 14/08/2013 15h34 DIAO

    Acceptable comme réponse mais très peu rassurante pour garantir une sécurité juridique équilibrée!

  • 14/08/2013 14h17 MATAR NDIAYE

    Il est vrai que les raisons qui fondent la réponse du ministre sont souvent objectives et expliquent le rejet de l'effet suspensif de la sentence.
    Toutefois, depuis un mon moment ,on assiste à des arbitrages donnant lieu à des contentieux liés à des conflits d'intérêt entre l'arbitre et une partie. Toute cette question du recours contre la sentence pose le, problème global du pouvoir du juge en matière d'exequatur. Saisi sur requête ou par demande, le juge n'exerce qu'un contrôle formel, qui exclut le fond de l'affaire.

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