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Compte-rendu de la conférence du 17 décembre 2012 à l'Université du Luxembourg sur le droit des contrats dans l'espace OHADA

Le 17 décembre 2012, à l'invitation du Professeur David HIEZ et de l'Unité de Recherche en Droit, le Professeur KENMOGNE SIMO Alain a animé une conférence à la Salle B 001 de l'université du Luxembourg sur Le droit des contrats dans l'espace OHADA. La conférence qui a duré plus d'1h30 a vu la participation de personnes venues aussi bien du Luxembourg que de quelques pays voisins (notamment de la France).

A 17h05, le Professeur HIEZ a pris la parole pour présenter le conférencier et lui souhaiter la bienvenue au nom de l'Unité de Recherche en droit et de la Faculté de Droit, d'Economie et de Finance. Il a ensuite passé la parole au conférencier qui a dit sa joie d'être présent en ce moment pour apporter sa petite contribution à l'œuvre de diffusion de l'OHADA. Il a donc adressé ses remerciements à la faculté, à l'Unité de Recherche et au professeur HIEZ pour lui avoir donné cette occasion.

Après ces premiers propos, il a annoncé que compte tenu des circonstances de lieu et du souci de faciliter la compréhension de certains points de vue qui seront adoptés, il commencera par une brève présentation de l'OHADA avant d'entrer dans le vif du sujet.

Sur la présentation de l'OHADA, le conférencier s'est arrêté sur ce que c'est, son historique et son origine, ses objectifs (aussi bien les objectifs intermédiaires que l'objectif final), sa méthode, ses membres actuels, ses institutions, son droit (les Actes uniformes), le processus de son élaboration et les principes qui gouvernent leur application et ses langues de travail. Sur chacun de ses points, le conférencier a, lorsque cela s'avérait nécessaire, pointé les problèmes soulevés par la position de l'OHADA. Sur le dernier point, par exemple, après avoir indiqué que le passage d'une à quatre langues de travail visait à faire en sorte que la langue ne constitue plus une barrière à l'adhésion des pays non francophones, il a néanmoins fait remarquer que le problème pourrait ne pas être résolu puisqu'en cas de conflit, la version française l'emporte. Il s'est alors posé la question de savoir si, plus qu'à la langue, l'attractivité du droit OHADA ne devait pas tenir à son contenu ou sa qualité. Autrement, il faudrait envisager d'élargir encore le nombre de langues de travail puisque la prétention de l'OHADA est de devenir le droit de toute l'Afrique (et même de s'appliquer à des pays non africains).

S'agissant du droit des contrats dans l'espace OHADA, le conférencier a dit qu'il y a lieu de constater que pour le moment, il n'y a qu'un avant-projet OHADA (qui date de 2004). De ce fait, droit positif des pays membres de l'OHADA en matière de théorie générale des contrats n'est pas (encore) formellement uniformisé. Dès lors, a-t-il dit, la question que l'on peut se poser alors est de savoir s'il y a lieu de le faire. En convoquant le Doyen Carbonnier qui qualifiait cette matière de « pilier du droit », le conférencier a indiqué qu'une nouvelle législation peut être considérée comme étant utile, voire nécessaire, dans ces pays. Pour étayer son affirmation, il a invoqué, entre autres, le fait que le droit du contrat dans la majorité des pays membres de l'OHADA était contenu essentiellement dans le Code civil français tel qu'il a été reçu lors des indépendances. Or, ce Code, qui a été rédigé en 1804, contient quand même des lacunes par rapport au contexte actuel (par exemple, ce texte ne dit pratiquement rien sur la phase précontractuelle qui a pourtant pris beaucoup d'importance aujourd'hui). Ne serait-ce que par souci de modernisation, une nouvelle législation en droit des contrats dans l'espace OHADA pourrait être nécessaire. Mais alors, la grande question devient celle de savoir s'il faut le faire au niveau de l'OHADA.

Par rapport à cette question, le conférencier a recensé les arguments en faveur et en défaveur d'une législation OHADA.

Parmi les arguments en faveur, il a avancé la légitimité d'une prétention de l'OHADA à légiférer dans une matière qui a indiscutablement un lien avec son champ d'intervention de l'OHADA (il a rappelé l'existence d'un avant-projet préparé par un professeur émérite Belge, Marcel FONTAINE, et inspiré, pour l'essentiel des principes d'Unidroit et du code civil québécois), la tendance à l'harmonisation du droit des contrats (mouvement que l'on relève aussi bien en Europe, qu'en Asie et en Afrique), une certaine communauté de pensée juridique dans les pays membres de l'OHADA avec déjà l'existence de règles générales communes (il y a donc déjà matériellement, une certaine uniformisation).

Pour les arguments en défaveur, le conférencier a commencé par faire remarquer que l'existence d'une uniformisation matérielle aurait déjà pu faire douter de la nécessité de légiférer au niveau de l'OHADA. Mais que le fait que cette matérielle uniformisation porte sur un droit qui mérite d'être modernisé autorise quand même à se demander si au lieu de laisser chaque pays membre moderniser son droit des contrats, il ne serait pas plus indiqué de le faire au niveau de l'OHADA. Cela dit, il existe des arguments en défaveur d'une telle option : malgré la communauté signalée, il est difficile de dire que les droits applicables dans les différents pays membres sont totalement identiques (même en faisant abstraction de la prétention de l'OHADA à s'étendre à l'ensemble de l'Afrique et ne s'en tenant qu'aux membres actuels). Bien que l'on note un rapprochement entre les systèmes juridiques, un droit OHADA des contrats supposerait que des choix soient faits ; or, ces choix pourraient constituer un frein à l'adhésion de pays n'ayant pas la même approche que celle retenue par l'OHADA. L'une des raisons ayant motivé les réticences que l'on a notées à l'égard de l'avant-projet n'était-elle pas justement que l'adoption de ce texte inspiré des principes d'Unidroit aboutirait à l'abandon de la tradition juridique française des pays membres de l'OHADA ? Ce qui aurait suscité l'élaboration d'un autre projet d'harmonisation du droit des contrats pour l'espace OHADA qui, tout en apportant des innovations, s'inscrirait résolument dans la tradition juridique française classique. On pourrait donc penser que si pour faire taire ces critiques, un autre projet de texte, plus conforme au civil law (majoritaire parmi les pays membres de l'OHADA) était adopté, les potentiels adhérents qui ne sont pas de cette culture pourraient avoir la même réaction. Il peut donc y avoir une réelle difficulté d'uniformiser, surtout si on y ajoute le problème de rédaction accessible du texte lié aux différences de niveau d'alphabétisation entre les différents pays membres.

Pour le conférencier, le plus grand argument en défaveur d'une législation OHADA en la matière pourrait tenir plutôt aux conséquences de l'existence de cette législation : le dépouillement des cours suprêmes nationales d'une franche importante du contentieux et, en contrepartie, la surcharge de la C.C.J.A. On ne peut nier que cette perspective du dépouillement des cours suprêmes nationales et la surcharge corrélative de la C.C.J.A. constituent de véritables freins à l'expansion initialement souhaitée. A cela, il faudrait ajouter la difficulté d'accès au juge en raison de l'éloignement et des coûts, même s'il convient de dire que la possibilité de saisine par voie électronique qui est envisagée pourrait atténuer le problème.

Dans ces conditions, se pose inévitablement la question de savoir ce qu'il faut légiférer au niveau de l'OHADA :

  • des contrats particuliers ou des règles générales du contrat ? L'avantage de la solution consistant à légiférer uniquement sur des contrats particuliers serait de moins dépouiller les cours suprêmes nationales et de ne s'attaquer qu'aux contrats qui pourraient présenter un très grand intérêt pour les potentiels investisseurs pour qui l'OHADA a été conçue. Mais au-delà des problèmes de cohérence juridique que la solution peut soulever, la question demeurera celle de l'identification de ces contrats présentant un très grand intérêt pour les investisseurs.
  • uniquement des règles pour les contrats internes ou aussi des règles de conflits ? Dans la mesure où l'OHADA envisage d'être un espace juridique, ne faudrait-il pas qu'elle ait aussi son DIP contractuel ou faut-il laisser le DIP contractuel national ?

L'auteur a terminé son propos en signalant que d'un point de vue factuel, la recommandation au niveau de l'OHADA est d'arrêter ou de réduire le rythme de l'adoption de nouveaux actes. Cela est conforme à la décision n° 005/2009/CM/OHADA du 22 mai 2009 portant orientation stratégique quinquennale pour l'harmonisation du droit des affaires. L'article 2 de cette décision dispose que :

« Durant la période déterminée à l'article 1er, soit de l'année 2010 à 2015, les programmes, projets et actions tendant à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique doivent avoir pour objectif principal de consolider les réalisations accomplies par l'OHADA ou d'achever celles qui sont en cours ».

Au total, si l'impact des contrats sur la vie des affaires n'est pas contestable et si l'existence de règles générales communes à la plupart des pays membres de l'OHADA du fait de leur passé colonial peuvent militer en faveur d'une législation communautaire, il convient de dire que la technique privilégiée actuellement par l'OHADA (l'uniformisation) rend l'entreprise difficile et périlleuse. Ce qui peut rendre nécessaire le recours à de véritables techniques d'harmonisation (et non plus d'uniformisation) : recommandations, directives et lois-cadres. Problème : quel sera le régime applicable au contentieux né de l'application des textes issus de ces nouveaux mécanismes : s'agira-t-il de textes qui, comme les A.U. relèveront pour leur interprétation et leur application de la compétence de la CCJA ? Auquel cas cela aboutirait à dépouiller exagérément les juridictions suprêmes nationales et à surcharger aussi exagérément la cour suprême régionale.

De manière générale, il est peut être temps pour le législateur OHADA d'envisager plusieurs niveaux d'harmonisation avec des domaines dans lesquels il se contenterait de recommandations, de directives ou de lois-cadres (ce qui pourrait être le cas du droit des contrats), des domaines dans lesquels il pourrait y avoir des A.U. mais avec exclusion expresse de la compétence de la C.C.J.A. et des domaines où il y aurait des A.U. avec compétence de la C.C.J.A. Certes dans les deux premiers cas, la loi étant essentiellement ce qu'en dit le juge, le risque d'une interprétation divergente pourrait constituer un obstacle à l'uniformisation. Comme le dit un auteur, l'ambition serait certainement amoindrie, mais il y a fort à parier que ce réalisme produirait une plus grande efficacité.

Pour plus de détails, akenmogne2001@yahoo.fr ou willytadj@yahoo.fr

Commentaires

  • 26/02/2013 11h24 ASSANE

    il est impératif pour l'OHADA de légiférer dans le domaine du droit des contrats cat il s'agit d'harmoniser les princpes généraux en la matière. N'oubliez pas que le droit des affaires tire son essence de la théorie générale des contrats; je pense donc que c'est vraiment urgent pour l'OHADA de nous offrir un AU sur le droit des contrats! Merci!

  • 19/02/2013 16h28 LIASSIDJI YAOVI BOB

    Il faut absolument aller vers l'harmonisation du droit des contrats dans l'espace OHADA. L'argument tiré du dépouillement des cours suprêmes nationales ne doit pas servir de prétexte à un quelconque refus. Il y a des avantages certains à y procéder. Il est dangereux de promouvoir un droit uniforme des affaires et laisser le soin aux Etats membres de légiférer en droit des contrats. La lenteur caractéristique des Etats à oeuvrer pour une mise en oeuvrer effective est patente. Le droit des sociétés coopératives est toujours en souffrance. La mondialisation de l'économie plaide en faveur d'un regroupement régional juridique fort. Aussi est-il judicieux depasser de l'avant-projet au projet. Le Professeur SOSSA doit l'inscrire dans ses priorités à la tête de l'OHADA.

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