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Droit comptable OHADA : Quelles diligences spécifiques pour les Commissaires aux Comptes ?

Article de Franck A. SIMA MBA, Expert-comptable, Associé-Gérant de NEW ACE Baker Tilly.

Le présent article a pour objectif de définir certaines diligences qu'il appartient aux Commissaire aux comptes de mettre en œuvre, dès l'exécution de leur mission au titre de l'exercice 2017, dans le contexte du passage à la l'Acte Uniforme OHADA sur le droit comptable et l'information financière (ici appelé « OHADA révisé », et de préciser l'incidence sur leurs rapports des constats faits dans ce cadre.

Cet article repose sur l'environnement OHADA (droit des sociétés commerciales, etc.) et s'inspire de la doctrine internationale, en particulier de la pratique professionnelle adoptée par le CNCC le 9 décembre 2004 et promue au rang de bonne pratique par avis du H3C rendu le 24 février 20051.

Il s'agit d'une modeste contribution à l'objectif d'harmonisation des pratiques des auditeurs et commissaires aux comptes de l'espace OHADA.

I. RAPPEL DU CONTEXTE

1.1. Cadre réglementaire harmonisé pour l'audit

Avec l'entrée en vigueur le 1er janvier 2018, du Règlement n° 01/2017/CM/OHADA du 09 juin 2017 portant harmonisation des pratiques des professionnels de la comptabilité et de l'audit dans les Etats membres de l'OHADA, « les professionnels réalisant un audit légal ou contractuel sur le territoire d'un Etat membre de l'OHADA appliquent les normes d'audit, dites normes ISA, publiées par la Fédération Internationale des Experts Comptables (IFAC) ». Ce texte constitue une grande avancée. Il vient, enfin, non seulement harmoniser comme indiquer dans son intitulé, mais aussi et surtout combler un vide normatif particulièrement préoccupant pour la fiabilité des audits légaux menés dans nombre de pays membres de l'OHADA.

1.2. Cadre légal de la comptabilité

Conformément à l'acte uniforme OHADA sur le droit comptable et l'information financière (OHADA Révisé) adopté le 26 janvier 2017 à Brazzaville (Congo) et publié au journal officiel de l'OHADA le 15 février 2017, les sociétés commerciales et les autres entités astreintes à l'établissement d'états financiers devront préparer à compter du 1er janvier 2018 leurs états financiers selon les dispositions dudit acte et de son principal appendice, le SYSCOHADA.

S'agissant des sociétés cotées et des entités faisant appel à l'épargne publiques, celles-ci doivent déposer en sus des états financiers SYSCOHADA révisé, leurs états financiers établis selon les normes IFRS.

1.3. Information appropriée du Conseil d'administration dès le 30 juin 2018

Au regard du caractère exceptionnel de ce changement et de ses conséquences potentielles sur les états financiers des entreprises et entités concernées, il peut être nécessaire et pertinent que les sociétés concernées donnent une information appropriée relative à la transition vers « OHADA Révisé » dès l'approbation des comptes de l'exercice 2017.

Certes, il n'y ait aucune obligation. Cependant, dès lors que l'information est disponible et répond à certains critères de qualité, les entreprises devraient être incitées à communiquer sur les incidences tant positives que négatives du nouveau référentiel. Cette information devrait cette hypothèse être portée dans le rapport de gestion (ou annuel pour celle qui en publie un) de l'exercice 2017.

Ainsi, la présentation d'une information quantifiée et pertinente présuppose néanmoins que la société soit capable de chiffrer de façon suffisamment précise et fiable, l'impact du passage à « OHADA Révisé » sur les comptes de l'exercice 2018.

II. DILIGENCES DU COMMISSAIRE AUX COMPTES

Dans le cadre de sa mission générale et du passage vers le nouveau référentiel comptable, il appartient au Commissaire aux comptes de suivre les processus mis en place par la société pour assurer ce passage (déroulement du plan de transition, etc.)2. Ainsi, il pourra être amené, s'il constate des insuffisances dans les actions des dirigeants qui pourraient, à terme, compromettre la capacité de l'entité à appliquer de façon fiable le nouveau référentiel comptable à appeler l'attention de la Direction générale ou du conseil d'administration, selon le cas, sur ces insuffisances, en application de la norme ISA 2603.

En effet, au titre des bonnes pratiques professionnelles, le Commissaire aux comptes doit suivre, dans le cadre de sa mission générale, l'ensemble des processus mis en place par la société pour assurer le passage aux nouvelles normes comptables et émettre les avis et recommandations qui lui paraissent nécessaires, sans pour autant se placer dans une situation qui pourrait l'amener à s'immiscer dans la gestion de l'entreprise ou à réviser des éléments qu'il aurait lui-même préparés4.

2.1. Communication d'informations narratives ou quantifiées

2.1.1. Informations narratives

Publiées dans le rapport de gestion à l'occasion du conseil d'administration ou de l'assemblée générale, les informations narratives entrent dans la lecture d'ensemble effectuée par le Commissaire aux comptes, qui lui permet, le cas échéant, d'identifier certaines informations manifestement incohérentes.

Dans l'hypothèse où ces informations narratives sont fournies dans l'annexe des états financiers de l'exercice 2017, ce dernier met en œuvre, en fonction du caractère significatif desdites informations, les diligences lui permettant de collecter les éléments probants suffisants et appropriés au regard notamment de la sincérité de ces informations et de leur exhaustivité.

Lorsque la société ne diffuse aucune information quantifiée, le commissaire aux comptes en examine les raisons.

2.1.2. Informations quantifiées

La présentation d'une information chiffrée suppose que la société a complètement finalisé le chiffrage des incidences liées au passage à « OHADA Révisé » et est en mesure de justifier, que les différences résiduelles non encore chiffrées n'auront pas d'incidence significative et donc que la mesure des incidences est suffisamment fiabilisée. Le Commissaire aux comptes vérifie que l'information narrative accompagnant l'information chiffrée partielle apporte un éclairage pertinent sur la nature des travaux réalisés (chiffrages effectués).

Dans un tel contexte, il est essentiel que le commissaire aux comptes puisse obtenir sur ces informations chiffrées communiquées avec les comptes 2017, le même niveau d'assurance que celui qu'il devra obtenir lors de son audit des comptes 2018 sur ces mêmes informations relatives à 2017.

Les diligences correspondantes à mettre en œuvre, pour la vérification de ces chiffres dès 2017, sont explicitées au paragraphe ci-dessous.

2.2. Détermination des diligences à effectuer au 31/12/2017, par référence à l'audit des comptes 2018

L'expression d'une opinion sur les comptes de l'exercice 2018, établis selon les nouvelles normes comptables OHADA, suppose la mise en œuvre de diligences sur notamment :

  • les soldes d'ouverture aux normes « OHADA révisés » au 1er janvier 2018 ;
  • l'information comparative 2017 retraitée « OHADA Révisé ».

2.2.1. Soldes d'ouverture au 1er janvier 2018

La norme ISA 510 « Mission initiale d'audit - solde d'ouverture » définit les principes fondamentaux et précise leurs modalités d'application concernant les contrôles à effectuer sur le bilan d'ouverture de l'exercice d'entrée en fonction du Commissaire aux comptes. Les principes de cette norme apparaissent transposables dans le contexte du passage à « OHADA Révisé ».

Selon cette norme, le Commissaire aux comptes vérifie que les soldes d'ouverture « OHADA révisé » au 1er janvier 2018, ne contiennent pas d'anomalies pouvant avoir une incidence significative sur les comptes 2018.

Les soldes d'ouverture au 1er janvier 2018 sont des soldes de comptes établis selon le référentiel ancien (en vigueur jusqu'au 31/12/2017) qui nécessitent éventuellement :

  • d'être reclassés pour arriver à une présentation « OHADA Révisé » ;
  • et de faire l'objet de retraitements pour respecter les règles d'évaluation« OHADA Révisé ».

Pour les besoins de la certification des comptes 2017, les diligences du Commissaire aux comptes peuvent être ainsi les suivantes :

  • Reclassements5 « OHADA révisé » des soldes « OHADA ancien » 31/12/2017 ;
  • Retraitements6 « OHADA Révisé » sur les soldes 31/12/2017

2.2.2. Information comparative 2017 retraitée OHADA Révisé

Dans le cadre de sa mission, le Commissaire aux comptes, en application de la norme ISA 710 « données comparatives », s'assure que les dispositions légales et réglementaires relatives à l'indication des chiffres de l'exercice précédent ont bien été appliquées. Le Commissaire aux comptes s'assurera que les informations 2017 retraitées « OHADA Révisé », présentées à titre comparatif, sont concordantes avec les informations vérifiées dans le cadre de ses travaux effectués sur les soldes d'ouverture.

III. INCIDENCES SUR LES RAPPORTS7

3.1. Informations données dans le rapport de gestion

3.1.1. Informations narratives relatives aux effets de la transition données

Lorsqu'elles sont données exclusivement sous forme narrative, sans quantification des incidences, le Commissaire aux comptes tire les conséquences, dans son rapport, des informations qui lui apparaîtraient manifestement incohérentes, identifiées, le cas échéant, dans le cadre de sa lecture d'ensemble.

Le caractère manifestement incohérent peut également résulter de l'omission d'informations sans lesquelles les informations narratives données prêtent à confusion et peuvent induire le lecteur en erreur. Ce sera le cas notamment si la société ne justifie pas les raisons pour lesquelles elle ne communique pas d'informations chiffrées.

N'étant pas un dispensateur direct d'information, il n'appartient pas au commissaire aux comptes de donner l'information manquante en lieu et place des dirigeants sociaux.

3.1.1. Informations quantifiées

Si la société communique des informations quantitative sur les divergences entre les deux référentiels, toute inexactitude ou élément susceptible d'être mal interprété, contenu dans cette information, est de nature à pouvoir :

  • remettre en cause la sincérité des informations présentées,et
  • justifier une observation du commissaire aux comptes sur la sincérité des informations portant sur la situation financière et les comptes, données dans le rapport sur la gestion du groupe ou dans un document adressé aux actionnaires.

Ce sera notamment le cas si ces informations contiennent des inexactitudes (par exemple, le chiffrage d'un retraitement n'est pas correct ou les retraitements nécessaires ne sont pas exhaustivement recensés).

3.2. Informations données dans l'annexe

Si la société présente les informations relatives au passage à « OHADA Révisé » dans l'annexe des comptes de l'exercice 2017, le Commissaire aux comptes devra, le cas échéant, tirer les conséquences des anomalies significatives qu'il aura relevées, dans la première partie de son rapport.

Lorsque l'information fournie dans l'annexe est exclusivement narrative, et n'a pas d'incidence sur l'opinion du Commissaire aux comptes, celui-ci peut également insérer, dans la première partie de son rapport, un paragraphe d'observation renvoyant à cette information, dans le but d'attirer l'attention des lecteurs sur la justification donnée du caractère exclusivement narratif de l'information communiquée, relative à la transition vers « OHADA Révisé ».

3.3. Absence d'information

Si aucune communication n'est faite, au minimum sous forme narrative, ni dans l'annexe, ni dans le rapport de gestion ou dans un autre document adressé au conseil d'administration ou à l'assemblée générale, quant aux incidences du nouveau référentiel, le Commissaire aux comptes apprécie l'importance relative d'une telle omission compte tenu de la proximité de l'échéance.

Le cas échéant, il en tire les conséquences dans son rapport au titre des informations manifestement incohérentes qu'il aura relevées.

N'étant pas un dispensateur direct d'information, il ne lui appartient pas de donner l'information manquante en lieu et place des dirigeants sociaux.

Franck A. SIMA MBA
Expert-comptable, Associé-Gérant de NEW ACE Baker Tilly
Email : fr.sima-mba@newacebti.com

 

1Lors de la première application en France des normes IFRS par certaines entités soumises à l'époque à cette obligation.

2La revue de la correcte application des normes comptables est dans le scope de la mission du CAC et ne devrait pas être considérée comme une mission annexe. La lettre de mission annuelle pourrait par contre être adaptée dans la partie « nos honoraires sont fonction du temps passé et de la complexité... » afin d'ajuster les honoraires de la mission pour l'année de première application. La LM doit également rappeler à l'entité son obligation d'appliquer le SYSCOHADA révisé.

3L'auditeur communique tout au long de sa mission avec les personnes constituant le gouvernement d'entreprise. Ces communications portent sur les responsabilités de l'auditeur relatives à l'audit des états financiers, l'étendue des travaux d'audit et le calendrier de réalisation prévu, les évènements importants relevés au cours de l'audit, l'indépendance de l'auditeur (audit de sociétés cotées). Ces communications peuvent être faites oralement ; sauf si l'auditeur estime qu'une communication verbale ne serait pas suffisante.

4Au Cameroun, le 12 septembre 2017, l'ONECCA (Ordre National des Experts Comptables) a ainsi diffusé dans la presse locale une lettre circulaire (portant le n°06) signée de son Président, M. Léonard AMBASSA rappelant les incompatibilités auxquelles étaient soumis le Commissaire aux comptes.

5Vérifier que les comptes de la balance générale sont correctement affectés dans les rubriques « OHADA Révisé ».

6Vérifier la conformité aux règles de comptabilisation et d'évaluation OHADA Révisé et le correct calcul par l'obtention d'éléments probants suffisants et appropriés.

7Rapport article 715 adressé au Président de Conseil d'administration et rapport général à l'assemblée générale.

Commentaires

  • 02/04/2021 22h43 ATSAMA STEPHANE

    Merci pour cet article.

  • 30/05/2018 12h30 JACQUES

    Je vous remercie pour cette présentation très instructive. Cependant je voudrais savoir si la validation du bilan d'ouverture au 1er janvier 2018 ainsi que des comptes proforma de 2017 peut faire l'objet d'une lettre de mission d'audit distincte et entrant dans le cadre des services autres que la certification des comptes.

  • 26/03/2018 16h51 TADJUIDJE NOUMBISSI

    C'est instructif. Merci pour cet article

  • 27/02/2018 09h13 ERICK MUYOMBI

    merci beaucoup pour votre contribution,
    mais je voudrai encore demande la liste des comptes harmonisés de 2017.

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