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Une nouvelle réforme pour l'attractivité économique du droit OHADA

  • 25/11/2015
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Par une nouvelle réforme du droit OHADA, l'Afrique subsaharienne francophone poursuit sa principale mission : attirer les investisseurs et sécuriser leurs opérations.

Depuis plus de vingt ans, l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) fondée par le Traité de Port-Louis s'est donnée pour mission la création d'un droit moderne commun aux 17 États membres qui la composent.

Ce corpus normatif d'application directe, autrement dit sans procédure quelconque de réception dans le droit interne des États membres, a pris corps au travers de neuf Actes uniformes adoptés par le Conseil des ministres de l'OHADA.

La modernisation du droit OHADA s'inscrit dans un mouvement général d'une Afrique portée aux nues et érigée en modèle. Aux hyperboles du passé, celles du continent des « catastrophes » chères aux esprits chagrins, succèdent désormais un tropisme sans doute excessif (Trente Glorieuses africaines, eldorado, nouvelle frontière, heures des lions, etc.), mais qui est un indicateur des transformations à l'œuvre dans les sociétés africaines contemporaines et dans leur rapport au reste du monde.

D'Abidjan à Paris, de Rabat à Pretoria, l'Afrique accumule les superlatifs au travers de rapports, tables rondes, colloques, travaux de place - non sans rappeler la finance islamique à son acmé ? S'agissant du droit, on ne compte plus les ouvrages, formations, masters, chaires, thèses qui font du droit OHADA l'instrument juridique de ce nouveau catéchisme en vogue.

Dans ce contexte international renouvelé, un travail de modernisation des différents Actes s'est engagé depuis quelques années afin de renforcer l'attractivité économique du droit OHADA, souvent avec le concours d'universitaires et de praticiens français.

Le droit OHADA doit rester compétitif et, pour ce faire, satisfaire à l'une de ses principales missions : attirer les investisseurs et sécuriser leurs opérations. Il doit pouvoir conjuguer l'idéal de justice et les besoins de l'économie du marché.

L'Acte uniforme sur les sûretés a ainsi fait l'objet d'une refonte en 2010, suivi de celui sur les sociétés commerciales en 2014. C'est désormais au droit des procédures collectives de profiter d'une cure de jouvence. L'Acte révisé entrera en vigueur le 24 décembre prochain.

Quels en sont les principaux apports pour les investisseurs étrangers ?

En la matière, un droit des procédures collectives efficace est un droit qui offre des outils permettant de mieux prévenir, mieux guérir, mieux liquider en veillant à maintenir un juste équilibre entre le droit des créanciers et la protection du débiteur.

Il ressort du nouvel Acte des travaux rigoureux de clarification (définition des principaux termes, ordre de préférence des créanciers, instauration d'un régime juridique des experts et des syndics, etc.) et d'harmonisation (élargissement aux personnes morales de droit privé exerçant dans des domaines réglementés c.-à-d. secteur bancaire, microfinance, acteurs des marchés financiers, etc.) qui renforcent l'efficacité du droit des procédures collectives en le rendant plus intelligible.

L'économie du dispositif met en exergue la volonté du législateur OHADA d'inciter au règlement concerté des difficultés en amont. La procédure de conciliation, bien connue en droit français, fait ainsi son apparition en droit OHADA.

C'est une procédure amiable et confidentielle qui permet une restructuration de l'entreprise sous l'égide d'un conciliateur nommé par le président de la juridiction. Le conciliateur va favoriser un accord avec les principaux créanciers de l'entreprise en difficulté et un rééchelonnement de ses dettes.

Des solutions amiables peuvent également être trouvées lors de litiges avec des clients ou en matière de rapprochement d'entreprises en difficulté, avec le repreneur, tiers acquéreur. Outre sa nature confidentielle, l'un des avantages de cette procédure est que le débiteur peut la solliciter dès l'instant où il rencontre des difficultés (juridiques, économiques, financières), lesquelles peuvent être encore latentes, puisqu'il suffit qu'elles soient prévisibles.

Parmi les nouveautés, la réforme prévoit également que les créanciers qui fournissent dans le cadre d'un accord homologué (ou « exéquaturé ») en conciliation, en règlement préventif (concordat préventif) ou en redressement judiciaire (concordat de redressement), un nouvel apport en trésorerie, des biens ou des services nouveaux en vue d'assurer la poursuite de l'activité de l'entreprise débitrice et sa pérennité, bénéficient d'un privilège de paiement en cas de liquidation judiciaire.

Ce privilège, issu du droit français, est connu sous le nom de privilège d'argent frais ou de « new money » et récompense les créanciers qui participent à la restructuration de l'entreprise en lui donnant des liquidités.

Dans le cas où l'entreprise débitrice fait l'objet d'une liquidation subséquente, leur créance sera payée en premier. En revanche, contrairement au droit français, ce privilège prime tous les créanciers et prend rang avant l'exercice du privilège des frais de justice et du superprivilège des salariés.

S'inspirant de la Loi type sur l'insolvabilité internationale de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, la réforme s'est dotée d'un cadre législatif moderne permettant la reconnaissance, dans les pays membres de l'OHADA, des procédures collectives ouvertes à l'étranger et une coopération entre les différentes juridictions et les mandataires judiciaires respectifs.

L'Afrique subsaharienne dispose désormais d'un droit des affaires simple, moderne et adapté, enrichi par cette troisième réforme. Sur ce point, les ambitions du Traité de Port-Louis sont atteintes et les fruits passent la promesse des fleurs.

Le défi consiste maintenant en sa réception et son application effective au niveau des États membres. Le continent est vaste et les situations régionales et nationales sont très variées quand les investissements intra-africains restent faibles.

Au niveau régional, le droit OHADA peine à jouer le rôle d'élément unificateur et entre parfois en contradiction avec les droits internes des pays membres en dépit des principes qui fondent sa supériorité : applicabilité immédiate, effet direct, primauté, effet abrogatoire.

Ce droit supranational ne peut se passer de l'ordre judiciaire interne des États membres qui doivent en assurer l'application au niveau local. Il s'établit donc nécessairement un rapport de complémentarité qui fait parfois les frais du paradoxe entre d'un côté un droit commun moderne et de l'autre un appareil judiciaire interne dont l'efficacité et la fiabilité posent question.

L'absence de régulation et de sécurisation politiques fortes demeure en outre un élément de fragilité qui ne peut être nié au prétexte d'une croissance économique portée par l'émergence d'une classe moyenne prometteuse.

Par Hugues MARTIN-SISTERON
Avocat au Barreau de Parismembre du Labex Réfi
Source : www.lesechos.fr

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