Section 8 : Opérations faites en commun
Sous cette dénomination sont visées les opérations effectuées dans le cadre
de communautés d'intérêts, dont la plus courante est celle qui revêt la forme
de société en participation.
Cependant, la communauté d'intérêts peut aussi bien lier des entreprises
entre elles. Exemple : c'est le cas des sociétés en participation et des
pools. Elle peut aussi lier des entreprises à des particuliers, comme c'est
souvent le cas des quirats (parts de navires en copropriété) et généralement
les placements en produits divers, tels que conteneurs, wagons, diamants, etc.
Les dispositions comptables exposées ci-dessous pour les sociétés en
participation sont applicables, sauf dispositions particulières, pour toutes
les communautés d'intérêts.
A — CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DE
LA SOCIÉTÉ EN PARTICIPATION
Les sociétés en participation seront communément désignées ci-après par les
initiales S.P.
Leurs règles juridiques d'existence et de fonctionnement sont fixées par
l'Acte uniforme OHADA relatif aux sociétés commerciales.
La S.P. se caractérise par les spécificités suivantes :
l'absence d'immatriculation
au registre du commerce et du crédit mobilier, ainsi que de personnalité
morale ;
l'obligation de reddition
de comptes entre les membres de la S.P., qui sont liés par les
dispositions applicables aux sociétés en nom collectif, à moins qu'une
organisation différente n'ait été prévue au contrat ;
la mise en évidence des
engagements de solidarité entre les membres de la S.P., sous condition de
la régularité, de la sincérité et de la cohérence de traitement des
opérations faites en commun.
Mais, dans la mesure où la S.P. conserve un caractère occulte, ce qui n'est
pas une obligation légale, l'associé qui contracte avec un tiers n'engage que
lui-même. Il en est ainsi lorsque la S.P. ne fait pas appel à un gérant. Dans
ce cas, chacun des coparticipants traite en son propre nom, à charge pour lui
de rendre compte aux autres membres de la S.P.
En cas de désignation d'un gérant, ce dernier peut être :
membre de la S.P., ce qui
est le cas le plus fréquent ;
extérieur à la S.P. ;
il a alors le rôle d'un commissionnaire qui traite en son nom propre (cf.
sur ce point les opérations faites pour le compte de tiers).
B — ORGANISATION COMPTABLE DE LA
SOCIETE EN PARTICIPATION
L'absence de formalisme dans la création de la S.P. et sa souplesse de
fonctionnement permettent aux coparticipants de choisir une organisation
comptable adaptée aux opérations qu'ils veulent traiter en commun.
Compte tenu des caractéristiques générales de la S.P. exposées au paragraphe
I ci-dessus, le regroupement des opérations faites par l'intermédiaire d'une S.P.
peut être effectué sous diverses formes.
1. Un seul "gérant"
Les opérations sont regroupées dans la comptabilité de l'un des
coparticipants, seul responsable vis-à-vis des tiers, de la gestion des
opérations (gérant). Dans ce cas, les comptes de la société en participation
peuvent être tenus :
soit dans une comptabilité
autonome rattachée à la comptabilité du gérant par le compte de liaison
188 "COMPTE DE LIAISON DES SOCIETES EN PARTICIPATION". Cette
méthode dite "de la comptabilité de société" s'apparente à celle
qui concerne les comptabilités d'établissement ;
soit à l'intérieur de sa
propre comptabilité : en subdivisant les comptes des classes 6 et 7,
ou en faisant appel à la comptabilité analytique ou, en ouvrant, par
exemple, un compte "Exploitation en société en participation" où
seraient récapitulés les charges et produits de la société en
participation.
2. Pluralité de "gérants"
Dans ce cas, les opérations sont enregistrées dans la comptabilité des
divers coparticipants qui contractent apparemment pour leur propre compte.
Le cumul des opérations traitées par chacun d'eux avec la S.P. et
l'élimination des opérations réciproques permet de dégager le résultat en S.P.
Toutefois, cette méthode présente des inconvénients, tant pour vérifier
l'authenticité des opérations effectuées que pour leur contrôle, lorsqu'il
s'agit d'une activité complexe ou durable.
C — PRINCIPE DE LA
COMPTABILISATION DES OPÉRATIONS FAITES EN S.P.
Les modalités de comptabilisation doivent s'efforcer de restituer aux
opérations faites par l'intermédiaire d'une société en participation leur
double aspect, selon les parties concernées.
1. Les tiers
Du point de vue des tiers, seule compte l'apparence juridique.
C'est ainsi que les biens (qu'il s'agisse de valeurs immobilisées ou de
valeurs d'exploitation), qui sont la propriété de chaque coparticipant, doivent
figurer dans son bilan, même s'ils sont réservés à la réalisation de l'objet de
la société en participation (cas d'apport en jouissance, notamment).
Le coparticipant est, en effet, le bénéficiaire du droit réel sur le bien,
en même temps que son propriétaire apparent.
De même, les biens créés ou acquis dans le cadre de l'activité de la société
en participation doivent figurer dans le bilan du coparticipant qui en est le
propriétaire (en règle générale le gérant).
2. Les coparticipants
De leur point de vue, l'apparence juridique s'efface derrière la réalité du
contrat qui les lie.
C'est ainsi que toutes les mises de fonds et autres opérations qui
interviennent entre les coparticipants dans le cadre de l'activité de la S.P.
sont enregistrées par l'intermédiaire du compte 463 "ASSOCIES, OPERATIONS
FAITES EN COMMUN" dans chacune des comptabilités concernées.
Ce sont ces dispositions générales qui sont appliquées dans la
comptabilisation des opérations faites en S.P.
D — COMPTABILISATION DES MOYENS
MIS EN ŒUVRE PAR LA S.P.
Pour traiter les opérations à faire en S.P., les moyens à mettre en œuvre
peuvent revêtir diverses formes.
1. Biens mis à disposition
Des biens appartenant en toute propriété aux coparticipants sont mis
seulement à la disposition de la S.P.
A ce stade, il s'agit d'apports en jouissance.
Dans le cas de biens amortissables, leur consommation est prise en compte
par la S.P. sous forme de charge de location facturée par l'associé
propriétaire, soit pour le montant de l'amortissement correspondant, soit pour
tout autre montant prévu par les clauses contractuelles.
2. Mises de fonds
Des mises de fonds sont destinées à financer les besoins de la S.P.
a) Dans la comptabilité des coparticipants
Le compte 463 est débité, par le crédit du compte de trésorerie concerné,
des fonds versés à la S.P.
b) Dans la comptabilité du gérant
En cas d'intégration des opérations
de la S.P. dans ses comptes, les comptes de trésorerie concernés sont
débités par le crédit des comptes 463 ouverts au nom de chacun des autres
coparticipants. S'il existe un compte de trésorerie destiné aux seules
opérations faites en S.P. (comme c'est souvent le cas dans les S.P. créées
pour des opérations importantes et de longue durée), le gérant débite sa
mise de fonds en S.P. par le crédit de son compte de trésorerie
personnelle.
En cas de tenue d'une
comptabilité autonome, les opérations transiteront par le compte de
liaison 188 "compte de liaison des S.P."
3. Acquisitions, créations de biens
Ces biens destinés à la S.P. doivent figurer dans le bilan du coparticipant,
qui en est le propriétaire apparent.
En règle générale, ce sera celui du gérant de la S.P. Pour que le bilan soit
sincère et donne une image fidèle de la situation de l'entreprise du gérant, sa
comptabilité devra enregistrer, sous forme de dette, en contrepartie du bien
acquis (ou créé) pour la S.P., le montant des financements consentis par les
autres coparticipants.
Par la suite, s'il s'agit de biens acquis ou créés amortissables, leur
amortissement sera constaté chaque année dans la comptabilité de la S.P.
Dans la mesure où ces biens ont été inscrits dans le bilan du gérant,
propriétaire apparent, la perte de valeur constatée par amortissement dans la
S.P. vient réduire la dette du gérant vis-à-vis des autres coparticipants.
Cette perte de valeur diminue, par conséquent, dans la comptabilité de ces
derniers, la créance qu'ils avaient vocation à enregistrer au moment de
l'acquisition du bien.
Dans ces conditions, l'opération sera comptabilisée sous la forme
suivante :
le gérant fera figurer au
passif de son bilan la part des autres coparticipants (non gérants). A cet
effet, il créditera le compte 181 "DETTES LIEES A DES
PARTICIPATIONS" par le débit du compte 463 ;
chacun des autres
coparticipants (non gérants) constatera dans son propre bilan ses droits
dans un compte 2771 "Créances rattachées à des participations"
par le crédit du compte 463.
La constatation de la consommation des biens immobilisés amortissables par
suite des opérations d'exploitation faites en société en participation se
traduit, au niveau des comptes 181 et 2771, par une réduction d'un même montant
des obligations et des droits respectifs du gérant et des non - gérants :
le compte 181 est alors
débité, à hauteur des amortissements correspondants inscrits en
Exploitation S.P., par le crédit du compte 463 dans la comptabilité du
gérant ;
le compte 2771 est crédité
du même montant par le débit du compte 463 dans la comptabilité des non -
gérants.
Remarque : en cas de réévaluation des biens, cette
réévaluation est faite dans le bilan du gérant, propriétaire apparent du bien.
L'écart de réévaluation sera partagé entre le gérant, pour sa part dans la
S.P., et les autres coparticipants dont la créance augmente en fonction de
leurs droits dans la propriété effective des biens.
E – COMPTABILISATION DES
OPERATIONS FAITES PAR LA S.P. AVEC LES TIERS ET ENTRE LES COPARTICIPANTS
Les opérations faites en S.P. avec les tiers sont comptabilisées en fonction
de l'organisation retenue par les coparticipants conformément aux règles
habituelles.
Si les opérations sont réalisées avec les tiers par les coparticipants en
leur nom propre, elles sont inscrites dans la comptabilité de chacun d'entre
eux dans les conditions habituelles. Il en est de même pour les opérations
réalisées entre les coparticipants eux-mêmes, lorsque ces opérations sont
faites en leur nom propre.
Les opérations d'exploitation effectuées entre coparticipants au coût du
bien cédé ou du service fourni, dans le cadre de la société en participation,
sont portées chez le cédant au crédit du compte de charge intéressé. Toutefois,
s'il ne peut être identifié de telles charges en comptabilité analytique, ou
s'il s'agit d'un regroupement de plusieurs charges en comptabilité analytique,
ou s'il s'agit d'un regroupement de plusieurs charges par nature incombant
nécessairement à l'entreprise (frais de personnel, par exemple), une
subdivision du compte 781 "TRANSFERTS DE CHARGES D'EXPLOITATION" est
utilisée. Exemple : 7816 "Transferts de charges de personnel à des
coparticipants S.P.", qui sera crédité par le débit du sous-compte 463
affecté au coparticipant intéressé.
Chez le cessionnaire sont débités les comptes de la classe 6 "Comptes
de charges", en fonction de la nature que revêtent les charges dans sa
propre comptabilité.
F — RÉPARTITION DES OPERATIONS
FAITES EN S.P. ENTRE LEs coparticipants
La répartition des opérations faites en S.P. peut s'effectuer, selon les
dispositions contractuelles intervenues entre les coparticipants, à trois
niveaux différents :
1 – la production ;
2 – l'exploitation ;
3 – le résultat.
1. Au niveau de la production
Ce sont les biens produits qui font l'objet de la répartition entre les
coparticipants. La part de production est inscrite pour son coût dans la
comptabilité de chaque coparticipant qui la négocie pour son propre
compte :
le gérant crédite le compte
781 "Transferts de charges d'exploitation" par le débit du
compte 463 ;
les coparticipants débitent
le compte 638 "Autres charges externes" par le crédit du compte
463.
Chacun des membres de la S.P. est libre de la gestion ultérieure des biens
reçus en partage et les stocks restant en fin d'exercice figurent normalement à
l'actif de son bilan.
2. Au niveau de l'exploitation
Si chaque coparticipant
enregistre dans ses comptes les opérations qu'il traite avec les tiers,
sous réserve des régularisations qui peuvent intervenir ultérieurement, le
résultat consécutif aux opérations faites en société en participation
apparaît par différence entre les produits et les charges comptabilisées.
Si le contrat prévoit un
(ou des) gérant(s), toutes les charges et tous les produits figurent dans
sa propre comptabilité générale. Juridiquement seul connu des tiers, le
gérant répartit le résultat entre tous les coparticipants.
3. Au niveau du résultat
La répartition du résultat présuppose que la comptabilité de la société en
participation est tenue par un gérant, seul connu des tiers. Cette méthode est
dite "du partage final".
Dans la comptabilité du
gérant, la quote-part dans les résultats revenant aux coparticipants sera
portée, en cas de bénéfice, au débit du compte 652 "QUOTE-PART DE RESULTAT
SUR OPERATIONS FAITES EN COMMUN" (transferts de bénéfice aux
non-gérants). En cas de perte, elle est portée au crédit du compte 752, de
même intitulé (transferts de perte aux non-gérants), par le crédit ou le
débit des comptes courants des intéressés (compte 463).
Dans la comptabilité des
autres coparticipants (non-gérants), la quote-part du résultat leur
revenant dans les opérations faites par l'intermédiaire d'une société en
participation est inscrite suivant le cas (bénéfice ou perte) au crédit du
compte 752 ou au débit du compte 652 par le débit ou le crédit du compte
courant du gérant (compte 463).
G – PRESENTATION DES États
financiers anNUELS DES ENTREPRISES coparticipantes dans des s.p.
Les opérations faites en commun par l'intermédiaire d'une S.P. introduisent
dans les états financiers des coparticipants, qu'il s'agisse du gérant ou des
autres intervenants, des particularités qui peuvent empêcher une bonne
compréhension des structures du bilan et donner une image tronquée du véritable
volume d'affaires engagées par les entreprises, parties au contrat.
1. Bilan
Si la description des droits et obligations relatifs aux biens acquis ou
créés par la S.P. dans les comptabilités des coparticipants figure au bilan, il
n'en est pas de même concernant les dettes et créances sur les opérations
courantes de la S.P., regroupées dans la comptabilité du gérant. En effet, les
tiers intéressés ignorent juridiquement l'existence de la S.P. et ne
connaissent que leur interlocuteur direct.
Sur ce point, une information dans l'Etat annexé de chacun des
coparticipants peut rendre compte du pourcentage de créances/dettes attachées
au fonctionnement des S.P. par rapport au total des créances et dettes
inscrites au bilan.
2. Compte de résultat
Lorsque les comptes de charges et de produits ne sont pas intégrés
proportionnellement dans les comptabilités des coparticipants (du fait du choix
de la méthode du partage final, par exemple), les notions de chiffre d'affaires
et de soldes intermédiaires de gestion ne reflètent pas exactement les
opérations de l'exercice, ni chez le gérant, ni chez les autres coparticipants.
L'État annexé peut fournir une information supplémentaire :
chez le gérant, par des
indications sur un compte de résultat retraité jusqu'au résultat d'exploitation ;
chez les autres
coparticipants, par la mise en évidence d'un montant des "produits
des activités courantes" à rapprocher du chiffre d'affaires inscrit
dans le compte de résultat, car plus significatif du volume réel
d'activité de l'entreprise.
En outre, le modèle de Compte de résultat du SYSTÈME COMPTABLE OHADA doit
être complété pour intégrer les quotes-parts de résultat sur opérations faites
en commun, qui ne sont pas prévues dans le modèle général du Compte de
résultat, afin d'éviter d'en alourdir la présentation.
Dès lors que l'entreprise réalise de telles opérations, elle est amenée à
utiliser un poste supplémentaire de charges et un de produits à la fin du
niveau "Exploitation" : (charges) Quote-part de résultat
partagé et (produits) Quote-part de résultat partagé.
3. Etat annexé
Dans l'Etat annexé, le montant de chacun de ces deux postes devra être
analysé en des composantes :
a) Entreprises coparticipantes non gérantes
Il s'agit d'une quote-part de perte transférée par le gérant (compte 6525
"Pertes imputées par transfert").
En produits d'exploitation, il s'agit d'une quote-part de bénéfice
transférée par le gérant (compte 7525 "Bénéfices attribués par
transfert").
b) Entreprises gérantes
Le poste "Quote-part de résultat sur opérations faites en commun"
traduit globalement la part de perte supportée ou de bénéfice réalisé, dans le
cadre des opérations faites en S.P., qui doit être transférée dans les
comptabilités de leurs véritables destinataires.
En produits
Il s'agit de la part des pertes transférée aux coparticipants non gérants
compte 7521 "Quote-part transférée de pertes".
En charges
Il s'agit de la part de bénéfice transférée aux coparticipants non gérants
(compte 6521 "Quote-part transférée de bénéfices".
c) Si l'entreprise est à la fois gérante dans des S.P. et
coparticipante non gérante dans d'autres S.P.
Les deux cas précédents de charges (comptes 6525 et 6521) et de produits
(compte 7525 et 7521) devront être distingués.
En cas d'opérations faites en S.P., les informations à donner sur les
créances et les dettes au bilan, comme sur les éléments du compte
d'exploitation, ont déjà été précisées ci-dessus. Toutefois, il importe que
l'entreprise explicite au mieux les postes de quotes-parts sur opérations
faites en commun pour éclairer le jugement que les destinataires des états
financiers peuvent porter sur les activités de l'entreprise, tout en maintenant
la discrétion qu'implique le recours à la structure juridique de la S.P.