Section 5 : Concessions de service public
La concession de service public recouvre des formes économiques et
juridiques extrêmement diverses, dont il convient de chercher le dénominateur
commun.
Le domaine d'activité est sans influence directe sur les problématiques
comptables, qu'il s'agisse des ports, aéroports, transports, énergie et
distribution d'énergie, aménagement régional, mines, recherche et exploitation
d'hydrocarbures. Toutefois, ces deux derniers secteurs présentent des
spécificités telles qu'elles justifient des adaptations particulières, non
traitées dans le cadre plus général de ce chapitre.
Les caractéristiques juridiques communes aux divers types de contrats de
concession doivent être préalablement présentées avant l'analyse des problèmes
comptables qui en résultent.
A — CARACTÉRISTIQUES COMMUNES DES
CONTRATS DE CONCESSION
1. Contrats de concession et contrats voisins
La concession est le contrat par lequel une personne publique, le concédant,
confie à un concessionnaire, entreprise privée, le plus souvent (personne
morale ou physique), l'exécution d'un service public, à ses risques et périls,
pour une durée déterminée généralement longue, et moyennant le droit de
percevoir des redevances des usagers du service public.
Des contrats apparentés à la concession et portant une autre appellation
(régie intéressée ; affermage...) présentent des caractéristiques proches
de celles de la concession et justifient des solutions comptables de même type.
Tous ces contrats prévoient :
le droit d'utilisation par
le concessionnaire de biens du domaine public ;
et (ou) le droit exclusif
d'exploitation d'un service ou d'un bien. Exemple : droit d'exploiter
en exclusivité une "ligne" de transports publics de voyageurs,
droit d'exploiter une source d'eau minérale...) ;
une obligation pour le
concessionnaire de rendre un service d'intérêt général en réalisant, le
cas échéant, les installations nécessaires, en assurant leur entretien et
leur renouvellement suivant les clauses du cahier des charges.
2. Absence de personnalité juridique de la concession
La mise en commun des biens, par le concédant et par le concessionnaire,
aboutit à la création d'une entité de gestion qui n'a pas de personnalité
juridique propre. Dès lors, la description des opérations doit être faite dans
le cadre du patrimoine du concédant et dans celui du concessionnaire.
3. Biens utilisés dans la concession
Il convient de distinguer, au sein des immobilisations utilisées dans la
concession :
a) Les biens mis en concession
par le concédant et qui
doivent lui revenir en fin de concession (biens "de
retour") ;
par le concessionnaire,
qui, selon les contrats, doivent être remis
gratuitement au concédant en fin de concession, ou doivent, ou peuvent,
être transférés au concédant en fin de concession contre indemnité (bien
de "remise" et biens de "reprise").
b) Les biens loués ou prêtés à la concession
Les biens loués ou prêtés à la concession qui appartiennent au
concessionnaire ne font jamais l'objet ni d'un retour, ni d'une remise, ni
d'une reprise.
4. Amortissement de caducité
Les biens mis en concession par le concessionnaire doivent être remis
gratuitement au concédant et font l'objet chez le concessionnaire d'un
"amortissement de caducité" lui permettant de reconstituer les
capitaux qu'il a investis.
L'amortissement de caducité est ainsi justifié par le caractère temporaire
de la concession et l'obligation de remise gratuite des biens, à l'expiration
de la concession, à l'autorité concédante.
B — PROBLEMATIQUE COMPTABLE
Les problèmes comptables spécifiques du contrat de concession sont, dans la
comptabilité du concessionnaire, liés aux points suivants :
1. Droit exclusif d'utilisation ou d'exploitation
Le droit exclusif d'utilisation des biens du domaine public ou le droit
exclusif d'exploitation d'un service public ont une valeur économique certaine.
Cependant, le montant est d'un calcul difficile et le principe du coût
historique conduit à ne pas comptabiliser ce droit à l'actif, en l'absence de
flux correspondant. Néanmoins l'existence de ce droit est à mentionner dans
l'Etat annexé, avec la durée résiduelle d'effet du contrat.
2. Inscription des biens concédés (par l'entité publique) dans le bilan
du concessionnaire
L'application partielle du principe de la "prééminence de la réalité
sur l'apparence" conduit naturellement à cette inscription.
3. Inscription en contrepartie, au passif, des "Droits du
concédant"
Corrélativement à l'inscription des biens à l'actif du bilan du
concessionnaire, il convient d'inscrire au passif la ressource de financement
correspondante (même montant), qui n'est pas une dette mais un élément de
financement propre, sous l'intitulé Droits du concédant exigibles en nature.
La nature particulière de cette ressource de financement rend nécessaire la
création d'une rubrique spécifique dans le bilan, intermédiaire entre les
Capitaux propres et les Dettes financières : autres fonds propres.
Les entreprises concessionnaires sont donc amenées à adapter en conséquence
la présentation du bilan (cf. section 11 du présent chapitre).
4. Obligation de maintien du potentiel productif
Ce maintien exigé par le service public, à un niveau donné, est assuré ou
recherché, par le jeu d'amortissements ou, éventuellement, de provisions
adéquates, à moins que la valeur utile des installations puisse être conservée
à son niveau par des dépenses courantes d'entretien. Exemples : barrages,
réseaux d'irrigation.
5. Analyse par contrat
L'entreprise concessionnaire peut réaliser des activités hors concession.
Elle peut aussi se consacrer à l'exploitation de plusieurs concessions.
Il convient qu'elle distingue, dans ses comptes, l'activité de chacune de
ses concessions, ou de chaque catégorie de concessions, par utilisation de
comptes de gestion et de résultats appropriés.
C — COMPTES SPECIFIQUES CHEZ LE
CONCESSIONNAIRE
1. Comptes de situation
Il s'agit d'enregistrer :
à l'actif, les biens
mis en concession par le concédant, à titre gratuit, avec condition de
retour (immobilisations ; stocks) ;
au passif, les
droits correspondants du concédant.
2. Comptes de gestion
Les charges spécifiques comprennent principalement des dotations et, en
outre, des loyers ou des redevances versés au concédant. Il s'agit :
de dotations aux droits du
concédant exigibles en nature au titre de l'amortissement de
caducité ;
de dotations aux provisions
pour amortissements de caducité ;
de dotations aux droits du
concédant exigibles en espèces (cas de clauses spécifiques de
retour...) ;
de dotations aux provisions
pour renouvellement ;
de redevances et loyers
versés au concédant.
Ces comptes sont à créer dans la comptabilité du concessionnaire, en
addition des subdivisions prévues par le SYSTÈME COMPTABLE OHADA, si ce
concessionnaire a une autre activité économique s'ajoutant à celle de la
concession.
En outre, ils sont créés en substitution des comptes usuels chez les concessionnaires
"exclusifs".
L'Etat annexé doit fournir la ventilation des
immobilisations mises en concession par le concédant par poste usuel du bilan
du Système normal.