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Droit OHADA : Yvon Zebo évoque l'obligation apparente de l'évaluation des apports en nature

  • 10/06/2019
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L'expert et reviseur comptable de la République démocratique du Congo s'est intéressé, dans une réflexion, à l'obligation apparente de l'évaluation des apports en nature selon le droit OHADA (Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires).

Auteur de l'essai « Évaluation et comptabilisation de l'actif immobilisé. Analyse comparative des systèmes comptables congolais et OHADA » (publié en 2014 et préfacé par le Pr Mabi Mulumba), Yvon Zebo continue de réfléchir sur l'application du système OHADA, en vigueur au Congo Kinshasa depuis septembre 2012. Dans cette très récente réflexion produite sur sa page linkedin.com, il se penche donc sur l' « Evaluation des apports en nature en droit OHADA : obligation apparente ».

Situant le cadre, il donne la définition de la société commerciale selon l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et groupement d'intérêt économique. Il s'agit donc d'un contrat entre deux ou plusieurs personnes consistant à affecter à une activité des biens en numéraires ou en nature, ou en industrie, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui peut en résulter, et aussi de contribuer aux pertes. Associé gérant chez Zebo Sarl (une société d'expertise comptable), Yvon Zebo note que de cette définition, la création de la société commerciale n'est possible que s'il y a l'existence des personnes et de l'affectation des biens qui fait appel à la notion de l'apport.

Se concentrant sur l'apport en nature, il affirme que c'est un transfert de propriété (de droits) des biens mis à la disposition de la société dans le cadre de la formation du capital social de ladite société. Selon l'article 49 de l'Acte uniforme, rappelle-t-il, « les associés sont tenus d'évaluer les apports en nature. Les Commissaires aux apports (CAA) ont la mission de contrôler l'évaluation faite par les associés ». Et il fait observer qu'à ce niveau, le droit ne dit rien sur la finalité du contrôle. Est-ce qu'il s'agit de la certification ? Qu'est ce qu'il faut faire au cas où les conclusions du contrôle aboutiraient à une valeur autre que celle des associés ?

Par rapport à la motivation de l'évaluation des apports en nature, Yvon Zebo indique : « L'objet du Traité du 17 octobre 1993 relatif à l'harmonisation du droit des Affaires en Afrique tel que révisé le 17 octobre 2008 est l'harmonisation du droit des affaires dans les pays membres. Cette harmonisation du droit des affaires vise à atteindre le développement de l'Afrique. Ainsi, il a été retenu que cela ne pouvait se faire que par l'encouragement de l'investissement dans un climat de sécurité juridique et judiciaire des activités économiques. Il y a lieu de conclure que cela ne peut que reposer sur les informations fiables, d'où l'intégration dans le processus de la réalisation de l'apport en nature du commissaire aux apports qui est en fait un commissaire aux comptes selon le droit OHADA ».

Aussi souligne-t-il l'importance de l'évaluation et de la certification afin de fiabiliser l'information sur la valeur des apports en nature qui octroie des avantages à l'associé ou actionnaire. Cette évaluation trouve son sens par l'intervention du commissaire aux apports devant être choisi sur la liste des commissaires aux comptes, par la simple raison qu'il s'agit d'un professionnel des chiffres, et aussi d'une tierce personne vis-à-vis des associés ou actionnaires. « L'intervention du commissaire aux apports donne à l'évaluation des apports en nature le caractère obligatoire », tient-il à relever.

Obligation apparente...

Les conclusions contenues dans le rapport de la certification fait par le commissaire aux apports après l'évaluation peuvent être rejetées par les associés dans le cas où la valeur évaluée serait différente de celle du commissaire aux apports. A ce moment-là, le droit OHADA considère l'avis des associés. Et ceux-ci restent responsables vis-à-vis des tiers de cette valeur pendant trois ans pour le cas des sociétés à responsabilité limitée et cinq ans pour les sociétés anonymes.

« Dans le cas de l'inexistence de la liste des commissaires aux comptes, par conséquent, l'impossibilité de choisir le commissaire aux apports, l'apport en nature, selon le droit OHADA, est réalisé en fonction de l'évaluation effectuée par les associés. Et ces derniers restent responsables dans les mêmes conditions que lorsqu'il s'agit du rejet des conclusions du commissaire aux apports », dit-il.

Ceci démontre, selon l'expert comptable, « qu'il n'y a pas vraiment l'obligation de l'évaluation des apports en nature en droit OHADA ». Yvon Zebo fait voir qu'il y a risque, dans l'espace OHADA, qu'il n'existe pas la liste des commissaires aux comptes afin de choisir les commissaires aux apports. Cela s'explique par le fait que le commissariat aux comptes n'est pas une profession comme en France. Il s'agit d'un mandat. C'est pourquoi, selon l'article 695 de l'Acte uniforme précité, seuls les experts-comptables inscrits au tableau de l'Ordre des experts comptables peuvent être désignés commissaires aux comptes.

Pour l'expert comptable, l'on devrait rendre obligatoire l'évaluation des apports en nature afin de répondre au souci de la fiabilisation des informations, de rencontrer l'objet du Traité et de reposer l'économie sur les informations non altérées de la réalité. Aussi préconise-t-il de « corriger certaines dispositions, notamment les articles 49, 312 et 405 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et groupement d'Intérêt économique. La correction consisterait à dire clairement que la réalisation des apports en nature est effectuée sur la base de la certification du commissaire aux apports. En cas de rejet des conclusions de celui-ci par les associés ou actionnaires, ces derniers sont tenus de solliciter auprès de l'Ordre des experts comptables une contre certification. Dans le cas où ce rejet des associés persiste, il y a lieu de saisir la juridiction compétente afin de rendre un jugement. Cela rend l'évaluation et sa certification obligatoire ».

Yvon Zebo demande aussi de faire du commissariat aux comptes une profession afin de disposer d'une liste établie au niveau de la structure devant la gérer et corriger les dispositions évoquant le commissaire aux apports afin de qu'il soit choisi sur la liste des experts comptables.

Martin Enyimo
http://adiac-congo.com

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