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Actualité

Arbitrage CCJA OHADA

Le 15 octobre 2015, la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA a rendu un arrêt significatif en matière d'arbitrage institutionnel sous son égide.

Cet arrêt fait suite à une sentence arbitrale rendue le 15 janvier 2014 par un Tribunal arbitral composé de 3 arbitres.

La sentence du 15 janvier 2014, élaborée en application du Règlement de procédure et d'arbitrage de la CCJA du 11 mars 1999 a regroupé l'application de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés et du GIE dans l'espace OHADA, le droit luxembourgeois, le droit pénal ainsi que des questions de procédure.

Le tribunal arbitral avait à statuer, entre autres, sur la validité d'un pacte d'actionnaires, la désignation contestée d'administrateur, les décisions du conseil d'administration, les décisions de l'assemblée générale, l'abus de majorité, l'abus de minorité et des demandes en réparation de préjudices économiques formées par les parties.

L'arrêt de la CCJA comporte de multiples enseignements :

1) Recevabilité du recours en contestation de validité

En tout premier lieu, la Cour rappelle la condition pour former une requête en annulation : celle-ci tient au libellé de la convention d'arbitrage. Les parties, en effet, ne doivent pas avoir renoncé au recours en contestation de validité de la sentence dès ce stade. Et elle précise que le seul usage du vocable « en dernier ressort » n'est pas suffisant.

2) Obligation de devoir justifier d'un mandat spécial de représentation devant la CCJA.

La Cour rappelle que celui-ci est obligatoire et que l'élection de domicile à Abidjan ne constitue pas le mandat sollicité qui est distinct.

3) Les cas d'annulation d'une sentence.

A) Violation de l'ordre public international

L'ordre public international a fait l'objet de différents moyens de la part des demandeurs.

a1) Récusation d'un arbitre

Il était reproché à l'un des arbitres son manque d'indépendance compte tenu de sa qualité de fonctionnaire de la République du Cameroun pour statuer sur une affaire concernant une société nationale du même Etat.

La Cour, en vertu de l'article 4-6 de son Règlement d'arbitrage du 11 mars 1999, a rappelé que seule la CCJA a le pouvoir de confirmer, récuser, remplacer un arbitre proposé par les parties (et de nommer le troisième arbitre qui sera président) à l'exclusion de toute autre règle et que sa décision est insusceptible d'appel. Il était en effet reproché au Tribunal arbitral d'avoir pris « acte de la décision de la Cour » et de ne pas avoir statué sur la demande de récusation qui était soulevée pendant l'instance arbitrale.

Même si la Cour ne le mentionne pas dans cet arrêt, les parties ont en effet la faculté de soulever la récusation d'un arbitre avant la composition définitive du tribunal arbitral en vertu de l'article 4 du Règlement d'arbitrage du 11 mars 1999.

a2) Distinction dans l'espace OHADA entre le droit de l'arbitrage régi par l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage du 11 mars 1999 et l'arbitrage organisé sous l'égide de la CCJA en vertu du Règlement d'arbitrage de la CCJA du 11 mars 1999.

La Cour rappelle que ces deux arbitrages sont distincts et que leur régime est différent. Les demandeurs avaient en effet soulevé des moyens sur le fondement de l'Acte uniforme sur le droit de l'arbitrage pour contester la décision relative au siège du tribunal arbitral, notamment.

a3) La Cour précise également qu'elle statue uniquement sur les cas de nullités prévus dans le Règlement de procédure et d'arbitrage du 11 mars 1999.

Ainsi, en application, la CCJA a donc écarté également les moyens soulevés par les demandeurs sur la violation de la loi, l'application de la loi française et la contrariété des motifs.

B) Non respect du principe du contradictoire

Les demandeurs reprochaient également au Tribunal arbitral de ne pas leur avoir donné l'opportunité de débattre d'une pièce par manque de temps et de moyens et alors que celle-ci aurait exercé une influence sur la sentence.

La CCJA a pris le soin d'examiner l'ordonnance de procédure rendue par le Tribunal arbitral concernant cette pièce. Elle a apprécié la date de communication entre les parties. Aucun déséquilibre ne pouvant être reproché dans l'échange des pièces et du moment imparti aux parties pour la discuter, soit avant la clôture des débats, le moyen a été rejeté.

C) Non respect des termes de la mission impartie aux arbitres

c1) Les demandeurs estimaient que le Tribunal arbitral avait rendu sa sentence plus tard que prévu et dans ces conditions, la sentence devait être annulée.

La Cour a rappelé que le calendrier de la procédure a un caractère prévisionnel, qu'il peut donc être modifié et qu'en conséquence, il ne pouvait rien être reproché au Tribunal arbitral.

c2) Appréciation du préjudice économique

Le Tribunal arbitral devait statuer sur des demandes de dommages et intérêts.

La Cour reconnaît au Tribunal arbitral la possibilité d'accorder des dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice économique selon, non pas l'allocation d'une somme globale, mais selon une méthodologie et des critères d'évaluation et de répartition apprécié par le Tribunal arbitral.

Dans cette question qui est importante, il était reproché au Tribunal arbitral d'être allé au delà de sa mission en fixant des critères de ventilation qui n'étaient pas sollicités.

Conclusion

L'arrêt n°102/2015 du 15 octobre 2015 rendu par la CCJA rejette le recours en contestation de validité de la sentence arbitrale du 15 janvier 2014. A ce stade de la procédure, désormais, la sentence arbitrale devient incontestable et définitive.

Cet arrêt enrichit la pratique du droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA dès la rédaction de la clause compromissoire ou de la convention d'arbitrage par rapport aux recours éventuels qui peuvent être initiés ultérieurement.

Il rappelle la distinction entre les deux types d'arbitrage actuellement prévus dans l'espace OHADA (Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage et arbitrage sous l'égide la CCJA).

Il admet la réparation du préjudice économique selon des critères et une méthodologie unilatéralement fixés par un Tribunal arbitral.

Il permettra ainsi à des co-contractants d'obtenir une meilleure réparation dans le cadre d'un différend au delà du cadre qui se présentait en l'espèce ayant trait à l'application de l'Acte uniforme sur le droit des sociétés et du GIE : pacte d'actionnaires, abus de majorité, abus de minorité, désignation d'administrateur dans le domaine des hydrocarbures en Afrique.

Deux autres arrêts, différents, ont été rendus le même jour en matière d'arbitrage sous l'égide de la CCJA.

Commentaires

  • 18/12/2015 09h43 MBAYE SECK

    Une bonne application des textes à notre avis même si l'affirmation selon laquelle le fait d’avoir la CCJA comme seule autorité pour toutes les phases (arbitrale et contentieuse) est susceptible de donner une garantie d’intégrité et d’indépendance n'est pas confirmée par toutes les parties

  • 16/12/2015 17h29 KONATE ZAKARIA ISSIAKA

    SYSCOA REVISE

  • 20/11/2015 10h11 MOUNET

    Il est évident que la question de l'indépendance de l'arbitre est un point sur lequel nous devons innover notre vigilance au regard de l'impact que cela peut porté sur le jugement. OHADA fait bien de porter un regard attentif à ce sujet afin qu'il soit fortement réglementé.

  • 19/11/2015 09h32 CLAUDE

    Il est essentiel que la Cour d'Arbitrage de l'OHADA se fasse connaître des gouvernements des Etats membres et des présidents des Républiques, qu'elle arrive à les convaincre de ne mentionner que le nom de cette institution dans les traités qui veulent imposer un arbitrage en cas de conflit entre un gouvernement et un investisseur étranger, fondé sur la politique de ce gouvernement (droit du travail, défense de l'environnement, choix pour une source d'énergie et renonciation aux autres, etc.).

    Les gouvernements africains n'ont que trop tendance, pour obtenir les financements extérieurs dont ils rêvent, d'accepter d'autres institutions arbitrales lourdement portées à favoriser l'opérateur privé au détriment d'un Etat, ne permettant aucun appel, et se fondant non sur le droit national de l'Etat poursuivi, mais sur une hypothétique « lex mercatoria » lourdement marquée par le droit états-unien.

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